Fargo saison 1 : la fin ne justifie pas tout

« Dans chaque malheur bonheur est bon » a l’habitude de dire ma concierge quand elle finit de descendre les poubelles, une sagesse portugaise à appliquer en cette semaine du 15 septembre synonyme du dernier tiers provisionnel et de l’arrivée de Netflix en France.

A l’occasion de l’arrivée du géant américain, qui est aux sériephiles ce qu’est une université d’été politique aux humoristes – une source d’enchantement – jetons un oeil sur le catalogue français et notamment sur ce qui est présenté comme une pépite : Fargo.

On connaissait depuis longtemps les liens entre le grand écran et la petite lucarne : adaptation de série en film (Mission Impossible, les Incorruptibles…), transfuges d’une monde à l’autre (Steven Soderbergh côté réalisateur, Matthew McConaughey côté acteur), et voilà une nouvelle mode : l’adaptation d’oeuvres cinématographiques en série. Après Hannibal, c’est au tour de Fargo de succomber à cette nouvelle mode.

5 lettres qui évoquent aux cinéphiles (les ancêtres de l’espèce concernée ici) une des principales oeuvres cultes des années 90, réalisée par les excellents frères Coen.

On comprendra aisément le risque représenté par un projet d’ adaptation car après tout, on ne badine pas avec les classiques (une leçon que Michael Bay devrait apprendre). Alors que vaut ce remake ?

Fargo version TV : rien à voir sur le papier

Mais est-ce vraiment un remake ?

Parti pris artistique, volonté de surprendre son monde et/ou ne pas duper les spectateurs, Fargo 2014 bénéficie d’une histoire spéciale :

« En 2006, Lorne Malvo (Billy Bob Thornton) arrive dans la ville de Bemidji, dans le Minnesota. Il influence alors la population locale, de par sa violence et sa malice, et notamment le commercial en assurance Lester Nygaard (Martin Freeman). »

Pour rappel voici l’histoire du film original :

« En plein hiver, Jerry Lundegaard, un vendeur de voitures d’occasion à Minneapolis, a besoin d’un prêt de Wade Gustafson, son riche beau-père. Endetté jusqu’au cou, il fait appel à Carl Showalter et Gaear Grimsrud, deux malfrats, pour qu’ils enlèvent son épouse Jean. Il pourra ainsi partager avec les ravisseurs la rançon que Wade paiera pour la libération de sa fille. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. »

Malgré un tronc commun (l’état du Minnesota avec sa neige blanche, le commercial loser à la parka orange, les problèmes conjugaux, le(s) tueur(s) à gages, la mention « inspirée d’une histoire vraie), la version 2014 n’a pas grand chose à voir avec sa grande soeur.

 

Fargo

Si les frères Coen ont supervisé l’ensemble, Noah Hawley a pris en charge le projet en prenant soin de créer son propre univers. Le poulain d’Ethan et Joel s’est seulement autorisé à faire le lien entre le film et la série à travers l’histoire d’un personnage (Stavros Milos, looser également et futur businessman local accompli comme seule l’Amérique sait en faire) trouvant une valise remplie d’argent, celle là-même que Steve Buscemi avait abandonné à la fin du film éponyme. (désolé pour le spoiler)

Attention toutefois à ne pas aller trop vite besogne, on ne saurait appeler ça une suite mais plutôt un spin-off.

Billy, Martin et les autres

Autre référence aux turbulents frères, la présence de Billy Bob Thornton, fidèle parmi les fidèles, dans la peau d’un tueur à gages à la mine patibulaire (veuillez bien apprécier d’ailleurs sa coupe cheveux) – figure également récurrente dans l’oeuvre des créateurs. Billy (oui, je le connais bien) livre une prestation magistrale dans le rôle de ce tueur à gages aimant foutre la merde partout où il passe (notamment lors de son passage dans le motel de la ville) et remuer le cerveau des gens.

 

Fargo : billy bob thornton

Une prestation qui ne doit pas faire oublier celle de Martin Freeman, dans son habituel rôle de loser un peu nigaud et carrément maladroit (The Hobbit, Sherlock) mais qui tombe cette fois dans le côté obscur de la force en fricotant avec Billy Bob Thornton.

Un duo tout en maîtrise ne devant pas faire oublier les seconds rôles qui jouent admirablement bien. On notera d’ailleurs l’énorme Kate Walsh (ex Private Practice, ex Grey’s Anatomy) dans le rôle de la veuve pas si éplorée dont on regrettera une présence trop faible nous poussant presque à nous farcir les interminables aventures du docteur Namour.

Fargo version TV : rien à voir sur écran

On serait tenté de parler de franche réussite : scénario 100% original, casting de haute volée mais la réalité est bien différente.

Oui, Fargo est une série qui nous rend addict les premiers épisodes, une addiction qui nous amène toutes les 55 minutes à dire : c’était génial, encore !

Sauf que voilà, passé le 5ème épisode, on se dit « ok, il est moins bien celui-là »- « le prochain sera de nouveau foufou ». Une espérance aussi rapidement gâchée que celle d’un électeur de gauche. Passé le 5ème épisode, la série n’a plus rien à raconter et tourne en rond laissant le spectateur totalement paumé, figé dans la neige, obligé de voir les mêmes séquences se répéter sans plus de logique avec des ficelles aussi grosses que des hallebardes, qui ont du trépaner les scénaristes, scénaristes remplacés par ceux de Plus Belle la Vie dans la hâte, nous gratifiant alors de rebondissements aussi indigestes que la bouillabaisse de Roland Marci.

Exemple : Billy Bob Thornton a réussi à tuer pendant plus de 25 ans des centaines de personnes, il est inconnu de tous… mais lorsqu’il va dans un motel dans une ville où il ne fera pas qu’enfiler des perles, il donne son vrai nom, permettant à la flic locale, la seule au QI normal, la possibilité de le faire tomber.

Les 5 derniers épisodes ne sont qu’une redite indigente, inconsistante du même propos : Martin Freeman est un looser, Bib Bob Thornton est sadique… sans pour autant proposer de nouvelles choses.

Les marketeux scénaristes parviennent toute de même à rendre anti-pathique l’ensemble des personnages et à nous prouver qu’il est bien difficile de coller au niveau des frères Coen (étonnant, non ?).

Dernier enseignement de la série : le choix du format. Si les séries permettent de brosser plus en profondeur les personnages, il faut encore que la matière s’y prête. L’humour des frères Coen ne fonctionne que dans un format court. Le film original dure 98 minutes, 98 minutes où chaque réplique fait mouche grâce à l’absurdité des situations et au cynisme. Or, ce type d’humour a besoin d’un rythme enlevé et serré ce qui est contraire par essence même au format utilisé ici : 10 épisodes d’une heure.

Probablement conscient de l’inconstance de la série, Noah Hawley essaye de donner une nouvelle vie à son oeuvre en créant un fossé de 3 ans à 3 épisodes de la fin. Un coup de génie qui retombe aussi vite qu’une blague d’Arthur pour les mêmes raisons : 3 épisodes pour un prologue dont on a compris l’issue, c’est long.

Absurdité de plus : une saison 2 est annoncée. Si on se réjouira du pitch annoncé : ce sera le prequel de cette première saison. On se dit quand même que les blagues les plus courtes sont les meilleures. Allons, espérons que la farce ne dure pas une saison de plus.

2.5 / 5