Rencontre avec LenParrot

Romain Lallement est loin d’être un débutant. Fils d’un musicien et d’une mélomane, adepte de Queen, il a entre autres été pendant dix ans le chanteur et l’auteur des textes du quintet nantais Rhum For Pauline. Aujourd’hui il a tourné la page de cette histoire collective et réserve sa plume à son projet personnel LenParrot. (Lire l’interview réalisée lors des TransMusicales en 2015) Lorsque nous le rencontrons à la terrasse de la Gaîté Lyrique à Paris, nous sommes à la veille de la sortie de Monday Land, premier extrait de son album And Then He prévu pour l’automne. Ce morceau est l’ouverture d’une épopée en 13 titres mais il nous l’assure « ce n’est pas un album-concept pour autant ».

Pop minimale

LenParrot est le personnage androgyne derrière lequel Romain se cache depuis 2015, année durant laquelle il sort son premier EP Aquoibonism et donne ses premiers concerts solos. Sur ses cinq titres dont Les Yeux en Cavale et Gena il se laisse aller à la mélancolie et opte pour le minimalisme synthé/piano/voix, de la « bedroom pop ». En 2016, il renouvelle l’expérience avec Naufrage, un second EP produit par Maethelvin et Olivier Deniaud, son claviériste qui l’accompagne sur scène depuis « ses balbutiements ». LenParrot poursuit sa collaboration avec ses fidèles partenaires : Elsa&Johanna pour les clips, A Deux Doigts pour la réalisation des visuels (cd, disque et cassette), son label Atelier Ciseaux. Nantes est le théâtre de ses élucubrations. C’est dans cette ville qu’il mature son projet et nourrit des envies d’album : « Cela fait-il encore sens de sortir des albums alors que les gens consomment au titre par titre et choisissent les morceaux qu’ils veulent ? je me disais à quoi bon…et puis étant hyper attaché à ce format et à l’objet disque je me suis lancé. Parfois les gens te découvrent plutôt avec un album qu’un EP ». Et à la nécessité d’écrire s’ajoute aussi l’envie d’aller vite : « J’ai commencé à mettre mes petits cailloux de côté avant même d’avoir sorti les Yeux en Cavale car je ne voulais pas être trop lent. Avec Rhum For Pauline nous avions mis 3 ans avant de sortir notre album. J’étais content d’avoir ces chansons dans mon balluchon et d’arriver juste à l’été pour les remettre en forme, repenser la manière de les enregistrer malgré les angoisses. »

 

Monday Land

Monday Land est le premier extrait qu’il nous a été donné d’entendre. La voix suave et gracile de Romain épouse les notes de piano et les nappes de synthé éthérées et diffuses. Fidèle à l’univers qu’il a réussi à imposer, il se met de nouveau en scène dans le clip d’Elsa&Johanna. Les nombreuses énigmes du clip laissent libre cours à l’imagination. « J’aime laisser les portes ouvertes, c’est exactement le sens du titre de cet album : And Then He, imaginez la suite. »

Pour ce long format il a choisi d’enrichir sa pop minimale avec des arrangements plus étoffés, un travail sur les harmonies et une place plus centrale accordée à la voix. Des chœurs aussi, ceux de son ami Jean Sylvain Le Gouic chanteur de Juveniles, sur 4 titres ; et des cordes. Pour la première fois il travaille avec le quatuor à cordes de son père. Lorsqu’on lui demande ce qui distingue cet album de ses EP, il confesse : « Il y a moins de pudeur dans les thèmes abordés. La mise à nue se fait à travers la voix alors qu’elle se noyait jusque-là derrière ces nappes de synthé. Dans la manière de composer et de mixer, la voix est vraiment centrale et donc ce qui est raconté l’est encore plus. Pour l’album il n’était plus question de se cacher ».

L’autre inattendu de cet album c’est la participation de Yuksek à qui Romain confie le mixage de son album : « j’ai rencontré Yuksek par l’intermédiaire de Jean Sylvain. Yuksek est un excellent producteur, c’est lui qui a produit l’album de Juveniles et d’autres albums que j’aime énormément. J’étais stupéfait qu’il s’intéresse à mon projet au point de vouloir travailler dessus. Ça fait un grand écart assez improbable entre Julien Gasc à la réalisation et Yuksek au mix. »

Son œuvre est truffée de références et de clins d’œil. Son nom de scène est un hommage à Baxter Dury. Le titre de son premier EP est inspiré de L’Aquoiboniste de Gainsbourg. Le titre Gena est une référence assumée au cinéaste Cassavetes et à sa muse Gena Rowlands. Pour Monday Land c’est encore une image de cinéma qui l’inspire, une scène du film Mannequin « c’est un film des années 80 que je n’ai même pas vu. L’image qui me marque c’est cette scène où le personnage joué par Andrew McCarthy s’enfuit avec un mannequin de prêt à porter dans les mains ». Chaque titre de ce nouvel album est inspiré d’une image, d’une œuvre. Le morceau Spidermouth (à venir) a été influencé par une série d’œuvre du peintre plasticien allemand Otto Piene qui travaille à la détérioration de la matière par la lumière et le feu.

Quand on lui demande quelle est sa définition de l’art, il cite Dostoïevski « La beauté sauvera le monde » et ajoute « L’art est une source majeure de beauté et je pense qu’à défaut de sauver le monde ça sauvera les humains à bien des égards. Je le pense vraiment. »

Facebook | Twitter | Soundcloud