Radiohead – In Rainbows

In Rainbows vaut autant pour ce qui l’entoure que pour son contenu. Il entrera à jamais dans l’ère de la musique sur Internet comme un pionnier fracassant — probablement pas le premier, mais peut-être le plus marquant — des albums mis à disposition du public directement par l’artiste, sans le renfort d’une maison de disques (du moins pour son lancement). Concrètement, Radiohead a laissé son auditoire jouer au « juste prix », chacun étant libre de décider du montant qu’il était prêt à payer pour acquérir l’album au format MP3, 160kbps, sans DRM. Au regard du prix moyen du format sur les plates-formes de téléchargement légal et compte tenu du nombre de pistes, indiquer plus de 10 euros pour l’album se révèlerait être un mauvais calcul à moins d’être un vrai fan (ou plutôt un vrai stupide).

Mais rentrons dans le vif du sujet, ce qui reste un peu frustrant puisque « le vif du sujet » n’est qu’un dossier de 10 MP3s; In Rainbows commence donc par 15 Step, et 15 Step commence un peu comme une piste qui serait sortie de l’album solo de Thom Yorke, The Eraser. Heureusement, l’angoisse est de courte durée (40 secondes), et la piste décolle rapidement pour retrouver le groupe dans la lignée de Hail To The Thief, sans de nouveau permettre une comparaison en détail entre tous ses prédécesseurs, si ce n’est pour souligner l’aspect mélancolique. On a depuis longtemps perdu de vue la joie de vivre, mais qu’importe. C’est même presque avec plaisir que l’on retrouvera sur quelques pistes (à l’instar de Weird Fishes/Arpeggi) des échos d’Amnesiac, album pourtant plus souvent largement critiqué que les autres. Au fil des écoutes les morceaux marquent l’auditeur avec plus ou moins d’intensité; autant All I Need (et sa puissante intensité sombre), Faust Arp (qui laisse agréablement tomber l’électro), Reckoner (arrêtons-nous un moment pour souligner la voix toujours incroyable de Thom Yorke), ou Videotape sont accessibles, autant il faut plus de temps pour rentrer dans les autres morceaux, comme Jigsaw Falling Into Place qui reste un peu en arrière. Les chœurs abyssaux de House Of Cards laissent des frissons parcourir le corps à la manière d’un In Limbo, et font écho au dénuement de Nude, la bien-nommée, voire même aux dernières secondes de 15 Step. C’est finalement Bodysnatchers qui rappelle le plus le Radiohead des débuts, avec sa basse et sa voix rageuse (même si certains pourront trouver la comparaison avec 2+2=5 plus judicieuse).

Videotape clôture l’ensemble à la manière d’un générique de fin de film, comme Radiohead le fait très souvent. On reste un peu dubitatif sur le format (court), sur la méthode (c’est le lot des pionniers), sur le contenu (nouveau et pourtant si reconnaissable). Et l’envie de posséder l’objet sous forme d’un disque se fait sentir, sans doute à plus de 10 euros, mais ce sera cette fois amplement justifié. Là encore, la patience sera de rigueur avec Radiohead. Tout se fait attendre.

http://www.onlike.net/musique/albums/456-thom-yorke-the-eraser/
3.5 / 5
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