Arcade Fire – Neon Bible

Finalement, la surprise viendra du constat lui-même : Arcade Fire n’a pas fait un album exceptionnel comme Funeral, juste un très bon album. Mais la déception est perceptible, tandis que l’on se gausse, à droite, à gauche, et même au centre (puisque maintenant c’est un camp à prendre en compte) pour saluer l’homogénéité du disque. Tant mieux alors, car Neon Bible est loin d’être homogène. Ou il faut revoir la définition de l’homogénéité, entre un Funeral unique dans sa pureté musicale et l’excellence de ses morceaux, et un Neon Bible obscur dans ses volontés. Entre un premier disque sauvage et fougueux, et un second retenu et domestiqué, le choix est vite fait. D’une manière générale, on attend tout le long de l’album un final à la Crown Of Love mais il ne vient pas toujours. Au contraire, lorsque l’on se rapproche d’une montée en puissance éclatante comme Arcade Fire a le secret, c’est un soufflé qui retombe sec que l’on nous sert. De surcroît, la déception s’enchaîne sur trois titres, comme Black Wave/Bad Vibrations, Ocean Of Noise et The Well And The Lighthouse. A chaque fois deux parties, la seconde étant meilleure que la première, qu’il s’agisse de mettre un terme à la voix de Régine Chassagne (Black Wave/Bad Vibrations), de rattraper un titre grâce à des trompettes empruntées à Calexico (Ocean Of Noise), ou d’apporter une cassure bienvenue à un morceau qui s’emballe (The Well And The Lighthouse).

Black Mirror, en tant que titre introductif, échappe à la règle et résonne comme un vrai bon titre d’Arcade Fire, quoique légèrement répétitif et augurant de ce défaut pour la suite (principalement dans les paroles). Keep The Car Running, pour le coup, est lancé comme un train sans réel arrêt en gare vu sa rythmique régulière du début jusqu’à la fin. Vient ensuite Neon Bible, le titre le plus court et de loin le moins bon alors qu’il est pourtant chargé de sentiments mais pauvre en musicalité. C’est alors que surgit Intervention ; le single, le sauveur, le Messie, Arcade Fire dans toute sa splendeur. Rares sont les groupes capables de balayer d’un revers de la main les critiques les plus acharnées. Et force est de constater qu’Intervention se pose là et en impose, parce que tout y est : la fougue, la grandeur, la voix de Régine Chassagne comme un choeur magnifique, tout pour transformer une musique en lumière.

C’est ensuite malheureusement que l’histoire se gâte, comme indiqué plus haut, avec le tryptique maudit Black Wave/Bad Vibrations – Ocean Of Noise – The Well And The Lighthouse, où seules les secondes parties sont dignes d’intérêt. Mais souvenons-nous que nous devons saluer une homogénéité… qui n’est même pas présente au sein des chansons elles-mêmes.

D’autre part, le disque interpelle l’auditeur avec (Antichrist Television Blues), sorte d’ovni très difficile à analyser et à ressentir, avec un rythme soutenu, une légère rupture et surtout une conclusion très directe (trop ?). Il présage surtout d’une fin d’album relevée, là encore comme s’il fallait effacer les remarques négatives à peine écrites pour cette chronique. Windowsill se pare d’une construction à la Funeral (enfin ! et malgré des paroles bien peu élevées), tandis que No Cars Go, que le groupe traîne depuis longtemps avec lui, confirme tout le bien qu’on en pensait déjà en concert, permettant au titre de se hisser dans le haut de l’ensemble du disque (mais homogène, rappelons-le). Quant à My Body Is A Cage, il n’usurpe pas son rang de final en beauté, puisqu’il tient sa promesse de “montée en puissance éclatante” et rend un ultime hommage à l’église Saint Jean-Baptiste de Montréal avec son orgue majestueux.

On ne peut pas dire que Neon Bible est un mauvais album, bien au contraire. Il y a juste cet agacement de le voir porté au nues avec un fanatisme exagéré (pléonasme ?) alors que l’on peut lui reprocher plus de choses que son prédécesseur : un manque de renouvellement sur certains morceaux, des voix moins arrangées (et par conséquent un peu trop présentes, cela vaut surtout pour Win Butler), et une retenue générale pas forcément bénéfique à la créativité des chansons. On est loin de la catastrophe de toute façon, voici que l’un des grands groupes des années 2000 continue de faire son chemin avec un talent indéniable. Un grand groupe qui a obtenu son statut en un seul album, Funeral

    3.5 / 5
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