Il était une fois : le téléchargement illégal

Préambule : télécharger des films illégalement, c’est mal. Pas glop. Même que tu peux être puni par la loi.

A lire les commentaires sur les réseaux, les échanges entre professionnels et passionnés (qui peuvent être les deux à la fois, véridique), spectateurs et intermittents, la question de la mise à disposition illicite de films sur Internet pose problème. Et à juste titre, car si le consommateur se nourrit sans trop réfléchir de biens culturels, le professionnel s’inquiète : où l’industrie du cinéma trouvera t-elle ses futurs revenus ?

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Débat simple dans les faits, mais pourtant complexe dans ses possibles solutions, car toute la chaîne de vie du cinéma contemporain se nourrit sur sa distribution (du producteur, aux artistes, voire même jusqu’aux autres diffuseurs qui calent leurs programmes sur la date de sortie salles). A la sortie d’un film, quelque soit son support, tous les ayants droits récupèrent un pourcentage, et survivent jusqu’au prochain projet. Voir une de leurs oeuvres disponibles illégalement en ligne est donc un réel embarras. Mais peut être pas si total : les entrées en salles sont très hautes (même si les sommets ont été atteints voici 2 à 3 ans… quand un INTOUCHABLES faisait 20 millions d’entrées) aux environs de 200 millions d’entrées. Il reste un problème structurel en interne sur la répartition des écrans entre petits et gros films, mais là n’est pas le souci… car tous se retrouvent ensuite, plus ou moins rapidement, sur les sites pirates.

Grâce à qui ? On ne sait pas, toujours est-il que lorsque les saisons des prix arrivent, les films (à venir en France, déjà en salles aux USA) fleurissent particulièrement sur les réseaux…

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Le bon cinéphile, consommateur de films, a donc largement de quoi se contenter en ligne, même s’il ne rechigne pas à se déplacer en salles. La salle reste un acte social : voir un film entouré de plusieurs centaines de gens, rires, émotions, y emmener sa famille, ses amis.. Voir le grand écran comme un art à part entière, et non un ersatz des autres supports, c’est aussi croire à sa survie face aux jeunes loups technologiques. Mais le souci se pose plutôt dans l’après cinéma : comment exploiter un film sitôt sorti du vaste écran des multiplexes ou des cinémas d’arts et essais ? La filière vidéo est dès lors touchée de plein fouet, et la télévision peut s’inquiéter. Car les plateformes de téléchargement illégal ont quelques avantages sur l’offre licite :

Une facilité d’accès : en trois clics, le moindre néophyte peut trouver une des cornes d’abondance virtuelles (pas si cachées – merci l’international) regorgeant de films, séries et autres,

Un catalogue fourni ; forcément, sans négociations avec les ayants droits, c’est assez facile de tout proposer, en plus avec des fichiers de qualité désormais standards,

Une rapidité technique ; force est de reconnaître qu’en utilisant le web de manière débridée, et une connection pas trop lamentable, on peut mettre moins de temps à récupérer un film qu’à le voir.

On comprend que le consommateur n’hésite pas trop, et que la mode soit devenue une habitude. Car oui, aujourd’hui en France le téléchargement illégal est quotidien. Qu’il s’agisse du dernier épisode de votre série américaine préférée, ou d’un film pas encore sorti (ou sorti confidentiellement, ou dans le pire des cas par paresse ou simplification d’emploi du temps), vous trouverez votre bonheur en ligne (voir quelques chiffres commentés sur Zdnet).

Et le légal, dans tout ça ?

Si la France propose un panel de solutions VOD plus ou moins satisfaisantes, elles se heurtent à une guerre de clans ; catalogues limités, offres onéreuses (au moins au rapport prix de la location/durée), absence de SVOD efficaces (rapport à une problématique de chronologie des médias, notamment), et plus simplement pas de réflexion globale sur l’industrie face à une montée en puissance de l’illégal. Remettre en cause le système en place nécessiterait en effet des travaux de fond, pour revoir l’investissement des intéressés, et refondre toute la chaîne alimentaire du cinéma et de la vidéo. Impossible ? Peut être, car cela créerait des secousses sismiques pour quelques temps…

On cherche toujours à comprendre l’absence de réponses réellement efficaces de l’industrie face aux comportements des spectateurs. Pas de schizophrénie de la part du public, mais une envie de consommer (on peut se rassurer : il veut voir des films). En salles, ou chez eux, l’appétit est le même ; difficile de se mettre à la diète quand on vous tend assez de contenus pour vous nourrir pendant des décennies. Alors oui, Hadopi a cherché à punir, avec finalement assez peu de résultats. Et pas beaucoup de vraies réflexions derrière. Face à un nouveau comportement social, les professionnels préfèrent tenter de conserver leur pré carré. Les bonnes idées se font attendre (même si des essais pour des sorties simultanées de films d’auteurs au cinéma et vidéo sont en cours – bilan dans quelques mois). Celle de taxer les nouveaux acteurs pourraient être séduisantes, si elles ne se calquaient pas sur d’anciennes méthodes. Mais pourquoi pas, même si cela retarde inévitablement l’arrivée de géants internationaux. Netflix ne doit pas apprécier, bien que le mastodonte américain ne soit pas en soi une révolution majeure (mais une offre séduisante et efficace) ; son rôle pourrait surtout être de proposer enfin une grande réflexion, et débrider l’ensemble des filières concernées.

L’argument du professionnel « le spectateur doit payer » est de moins en moins crédible. Ou pas comme on l’entendait. Si évidemment on aimerait voir le travail des artistes et professionnels récompensés par un retour sur investissement, permettant ainsi de relancer de nouveaux projets, et ainsi alimenter l’ensemble de l’industrie, difficile de rendre cela crédible quand des petits malins ont réussis à casser cette chaîne et offrir le contenu librement. Finalement ce sont bien les intermédiaires, les vrais pirates qui arrivent à s’engraisser, qu’il faut combattre. L’impression actuelle (la plus présente) est que l’utilisateur final est plus facile à attraper, et celui a qui on va demander des comptes au quotidien. C’est oublié que, même si l’habitude est mauvaise, le comportement est global. Dès lors, doit-on combattre un mouvement social, y placer une rustine de secours ou se mobiliser pour proposer des solutions qui, sur la durée, trouveront leur efficacité ?

Alors, quoi faire ? Pas grand chose… Continuer à s’alimenter en séries et films comme on veut (on vous rassure, même les professionnels de l’industrie téléchargent), profiter des grands (et petits) films en salles, et puis rentrer chez soi et rattraper le reste bien calé devant sa télévision. Et ça tombe bien, il y a pas mal de nouveautés en ligne en ce moment (pas de noms). Avec un peu de courage (et de finances), on pourrait tenter l’achat en VOD, mais cela semble diablement compliqué, au cas par cas… et pas très attractif. Rassurons nous, côté spectateurs l’offre est plus importante que jamais. Côté industrie, il s’agirait de ne plus se voiler la face, et plutôt que de chercher à limiter l’érosion avec des solutions temporaires, chercher une nouvelle formule magique ?

 PS : prochain billet d’humeur, sans doute sur les erreurs de distribution de certains films, ou les calendriers en retard qui envoient certains films à l’abattoir. Filmsdelover en parle ICI, nous on reviendra sur ANCHORMAN 2 (que nous n’avons pas encore vu, hein).

PS2 : A noter, pour la musique vous commencez à avoir de vraies choses intéressantes avec Deezer ou Spotify. Pour les séries, les chaînes françaises font de réels efforts en diffusant certains shows à H+24, ce qui est techniquement remarquable mais limité à leurs abonnés. On avance, on avance…