Un week-end au Festival Beauregard 2019

« C’était comment Beauregard ? »; « A oui j’en ai entendu parler, apparemment c’est un bon festival ! » Je te confirme, c’est du bon et du très bon cru même. Clap de fin pour la 11e édition du festival normand Beauregard qui affiche au compteur 38 groupes et artistes programmés et 108 000 festivaliers en 4 jours, ce qui positionne Beauregard dans le top 10 des plus gros festivals français. Ce rendez-vous, qui attire depuis 11 années les plus grandes stars mondiales du rock, fait la joie et le bonheur d’un public de tous âges. Quand on est normand (ou pas) on est fier de voir ce festival indepéndant grandir chaque année. Sur le plan économique, Beauregard réussit pour la 2e année consécutive à dégager un bénéfice qui leur a permis d’abord d’éponger leurs dettes, puis de s’assurer un matelas pour l’avenir. Avant de parler de l’artistique il convient de souligner que des changements pérennes ont été réalisés sur le site, à commencer par la scène John qui a été disposée de face avec la scène principale (plusieurs centaines de mètres les séparant bien sûr), un aménagement qui a été rendu possible par l’agrandissement de la clairière John. Ces changements dans la disposition de la scène, de plusieurs stands de restauration et de bars ont permis de désengorger la zone et de s’éviter des crises d’agoraphobie aiguë. A partir de cette 11e édition l’identité visuelle de Beauregard s’inscrira dans la durée, l’objectif étant de pérenniser et d’améliorer chaque année l’existant, plutôt que de créer de nouveaux décors à chaque édition (et c’est plus écolo!).

L’édition 2019 a été l’occasion de (re)voir de nombreux artistes déjà venus au château de Beauregard et d’être encore et toujours bluffé par la qualité des concerts. Parmi les lives marquants de cette édition on retiendra celui du Suprême NTM et de The Hives et leur côté dandy irrésistible (c’est d’ailleurs la première fois que j’assiste au recoiffage en règle et au peigne fin d’un artiste sur scène, dandy je vous dis). Les frères de Tears for Fears ont aussi fait preuve d’une énergie et d’un talent exceptionnel. Ils ont commencé leur set par leur titre phare « Everybody Wants to Rule the World » et ce sont même risqués en milieu de set à faire une reprise du morceau « The Creep » de Radiohead. Je retiens d’autres moments de grâce comme le concert de Chan Marshall qui est Cat Power, ainsi que Mogwai qui à 1h du matin nous éclabousse de talent, impossible de rentrer chez soi malgré la fatigue, la douleur, tout est oublié… Le live d’Interpol m’a laissée sur ma réserve, je suis un peu déçue par la platitude de la prestation pour laquelle a contrario on ne note aucun moment de grâce. Dans un tout autre genre et sans que je m’y attende, j’ai été bluffée par le concert du rappeur Roméo Elvis : un animal, une bête de scène. Il est seul sur scène et tient son public fermement par la manche, là où d’autres rappeurs (PLK pour ne pas le citer) finissent à 10 sur scène pour provoquer la même exaltation. Sa musique est jouée en live avec de vrais musiciens et de vrais instruments. Je note quand même un bémol de taille. Il aurait pu être le plus parfait des hommes et des artistes s’il n’avait pas crié deux fois « bande de tarlouzes » à son public. En 2019 il est plus qu’urgent d’arrêter avec ces saillies insultantes.

Quid des artistes femmes ? Il y en a très peu à Beauregard malheureusement, mais c’est le lot de tous les festivals. Il n’est plus à démontrer que les femmes sont sous représentées dans la musique. Heureusement que des artistes comme Angèle, Clara Luciani et Jeanne Added sont là, et quoi que l’on pense de leur musique il faut leur reconnaître talent, charisme et intelligence. Je n’ai pas assisté au live d’Angèle à Beauregard (elle jouait le jeudi) mais j’ai eu l’occasion de voir sa prestation à Solidays devant 50 000 personnes et ce que fait ce petit bout de femme est impressionnant. Elle sait parler à la jeunesse et utilise sa notoriété à bon escient. Ce qui est incroyable aussi c’est de voir le frère (Roméo Elvis) et la soeur (Angèle) être programmés dans les mêmes festivals et se trouver chacun à un niveau de notoriété et de performance comparables. Cela est suffisamment rare pour être souligné. Clara Luciani et Jeanne Added, qui jouaient respectivement samedi et dimanche, ont mis tout le monde d’accord. Ce sont deux artistes exceptionnelles, qui ont bataillé pour conquérir la place qui est la leur aujourd’hui. Clara Luciani a confié en conférence de presse « ne pas vouloir être la fille d’une chanson (La Grenade) » mais espère que ce titre sera « une porte d’entrée vers le reste de son album ». Pour Jeanne Added qui était déjà venue à Beauregard il y a 3 ans, on voit une nette progression de sa performance live. Elle est plus à l’aise et plus expansive sur scène, et sa voix ne tremble jamais.

La jeunesse s’est déchaînée sur Columbine, PLK, Roméo Elvis, Thérapie Taxi, Lomepal et Gringe. La sagesse a profité de The Hives, Limp Bizkit, Gossip, Tears for Fears et Bernard Lavilliers. La joie s’exprime différemment et l’ambiance est variable. Le festival Beauregard a son secret à lui pour rassembler les générations en un même lieu le temps d’un week-end prolongé. Paul Langeois, directeur co-fondateur du festival qui est aussi le directeur de la scène de musiques actuelles le Big Band Café (BBC) à Hérouville Saint Clair, met un point d’honneur à toujours programmer des groupes normands en ouverture de chaque journée : cette année Beach Youth, Embrasse Moi, We Hate You Please Die et MNNQNS. Le festival Beauregard est désormais un joli souvenir de mon été, on s’y retrouve dans un an!