Les Arcs Film Festival 2018 – Jour 5 (spécial Sommet des Arcs)

Attention, ce chapitre 5 du Journal de Bord est un numéro spécial. Il est entièrement consacré au Sommet des Arcs, à sa diversité, à son importance, aux activités du jour, et aux films diffusés ce Mercredi 19. D’abord, le Sommet c’est quoi ? C’est une rencontre professionnelle créée par le Festival des Arcs, surtout par Anne Pouliquen et Jeremy Zelnik. Ce Sommet est un programme de films, d’activités et de rencontres où sont invités des exploitant-e-s de salles et des distributeur-rice-s. Il y a des séances de films ouvertes au public, mais il y a aussi des séances spécialement réservées aux professionnels (ça peut être exploitant-e-s, distributeur-rice-s, ou presse). Il faut savoir qu’en 10 éditions de ce festival, le Sommet fête aussi ses 10 bougies. Well done, Anne et Jeremy ! Et en ce Mercredi 19 Décembre 2018, la journée résume et regroupe très bien la diversité de la programmation du Sommet : films, rencontres, soirée festive.

Premier film vu de cette journée est EL REINO de Rodrigo Sorogoyen, réalisateur notamment de QUE DIOS NOS PERDONE. Toujours dans une certaine noirceur du récit, le cinéaste espagnol tend ici vers le polar, mais sans y plonger complètement. C’est toute la force du film, car sans raconter le récit, EL REINO a toute cette tension et cette course contre la montre qui font penser à du polar. Mais il s’agit davantage qu’un mouvement urgent pour poursuivre une quête. Le film contient l’esthétique de la confrontation et un cadrage qui regarde les corps se dégrader et les muscles se serrer. Dans le cadre, le cinéaste adopte une mise en scène de l’instinct (il y a un caractère très vif dans les attitudes), de la fuite dans une ambiance où l’environnement autrefois connu disparaît petit à petit, jusqu’à s’effondre complètement.

Ensuite est venue l’occasion de voir TEL AVIV ON FIRE de Sameh Zoabi. Film tout droit venu d’Israel, avec une co-production française, belge et luxembourgeoise. L’histoire d’un jeune homme stagiaire sur le plateau de tournage d’un feuilleton télévisé populaire. Sauf qu’il habite en Palestine, et qu’il travaille en Israel. Chaque jour, il doit passer au check-point où il rencontre un militaire israélien. Film comique qui se constitue autour de ce duo israélo-palestinien, en jouant la carte du feuilleton à fond. Ironie et absurdité, TEL AVIV ON FIRE réussit quand sa mise en scène assez cocasse empêche les corps de progresser dans le mouvement. Le film échoue parfois dans l’humour dialogué, et échoue quand il tente de faire une satire politique en faisant de ses protagonistes des personnages tirés de sitcom.

Après ces deux projections, il est temps de rendre compte d’une activité importante et toujours passionnante du Sommet : le laboratoire des initiatives. Un moment qui a le grand mérite de mettre en lumière des idées, des innovations et des créations qui touchent de près ou de loin au secteur culturel, et le cinéma plus particulièrement. Voici un bref résumé des interventions qui ont eu lieu lors de ce laboratoire des initiatives :

PHENIX STORIES

Une société qui effectue de l’affichage visuel dans la rue. Mais pas n’importe quel affichage : il s’agit de stories, inspirées par celles de Instagram, Facebook et Snapchat. Ce sont des vidéos premium modérée par une équipe éditoriale au sein de la société. Fonctionnant comme des écrans vitrines à proximité des salles de cinéma, ces affichages contiennent des publicités et permettent d’accompagner des films dans leur marketing. Avec 1600 écrans déjà installés dans toute la France (1200 à Paris et 400 en provinces), Phenix Stories est un nouveau moyen de visibilité, à notre proximité dans la rue. Chaque écran à un emplacement précis a sa propre programmation, établie par des discussions avec les distributeurs et avec les salles (afin de connaître leurs intentions sur ce qui les intéressent). Phenix Stories sont déjà partenaires de quelques festivals, dont Cannes et Annecy. Rien que ça.

LUCKY TIME et KLOX CULTURE

Bien qu’ils soient intervenus à deux moments différents (ce sont deux sociétés distinctes), leur domaine d’activité est assez proche. Il s’agit de deux agences de marketing digital, même si LUCKY TIME fait également du conseil en communication digitale. Leur communication est ciblée, selon des données, des thèmes, des salles, des campagnes et des interactions.  Rapprocher des marques, des réseaux, des enseignes, tisser des liens, animer et fidéliser une communauté : tel est l’objectif de LUCKY TIME. De leur côté, KLOX CULTURE ont une méthodologie qui leur est propre : définir le ciblage avant d’activer une campagne, optimiser les campagnes et analyser les audiences et les performances. Alors que LUCKY TIME s’intéresse principalement à des thématiques et à faire bouger une audience, KLOX CULTURE va plutôt se concentrer sur l’analyse des données pour définir l’audience.

CINÉ MANIVEL DE REDON

Une salle de cinéma gérée l’association Manivel, dans la ville de Redon. Le Ciné Manivel a notamment reçu le Prix de l’Innovation décerné par le CNC en 2018. Association créée en 1986, elle tient à être engagée dans le social et l’environnement au quotidien, grâce à son cinéma. Le cinéma a vu le jour en 2004, avec tous les aspects suivants : 40m² de capteurs photovoltaïques dont l’électricité est revendue à 100%, une restauration bio / végétarienne / vegan et locale, utilisation de la monnaie régionale nommée le Galleco, un espace de travail partagé, une expérimentation d’un service de co-voiturage durant l’été 2017. Il est impossible de tout lister tellement de cinéma pense à la responsabilité éco-sociale. Mais voilà un grand pas vers les responsabilités citoyennes de l’avenir. Et surtout, un très beau geste qui permet de voir la culture autrement.

Il y aussi eu la présentation de Cinémas du Sud & Tilt, une association de salles de cinéma dans la Région Sud, afin de se regrouper autour d’objectifs et de compétences communes.

Fin du Laboratoire des Initiatives

Est arrivée 20h00. L’horaire que j’attendais le plus durant ce festival. Parce que le film sortant en 2019 que j’attends le plus fut projeté. Je nomme SUNSET du génie Laszlo Nemes. Ayant déjà fourni une claque en 2015 avec LE FILS DE SAUL, le cinéaste hongrois continue sur sa lancée et va même plus loin. Même si je préfère toujours LE FILS DE SAUL, car c’est une énorme claque pour un premier long-métrage, SUNSET reste une gifle de la part d’un mec qui a tout compris au Cinéma. SUNSET n’est pas tellement un film, c’est du Cinéma à chaque plan. Une véritable fresque magistrale qui chorégraphie le mouvement dans un ballet des corps. Un mouvement souvent violent et plein de souffrance, avec une mise en scène très inspirée qui part et gravite autour de sa protagoniste Iris. Magnifique Juli Jakab, aspirée dans un esthétique crépusculaire à l’aube de la Première Guerre Mondiale. La violence est de plus en plus pesante, dans une esthétique qui frôle aussi le surréalisme, pour explorer une forme d’onirisme au sein d’une époque tourmentée. Ce ne serait pas non plus un film de Laszlo Nemes sans le flou qui le caractérise tant, ce flou pour se focaliser sur l’intimité de sa protagoniste et le flou comme distance entre la petite histoire (le récit et destin d’Iris) et la grande Histoire (une ambiance en ex-Yougoslavie juste avant l’éclatement de la Première Guerre Mondiale). La caméra de Laszlo Nemes voltige autour d’Iris, pour capter toute la beauté d’une détermination et la tristesse d’une ambiance anxiogène. SUNSET, c’est l’art de l’immersion dans un environnement plutôt que l’art d’exposer un récit, c’est surtout un récit incrusté dans le flou afin de mieux se concentrer sur l’art de voir.

Après une telle claque qui n’a pas laissé tout le monde indemne (certains se sont ennuyés, d’autres furent bouleversés comme moi), le temps de descendre en Cabriolet de Arc 2000 à Arc 1950 dans un silence mortifère, pour se diriger vers quelque chose de plus joyeux : la fameuse soirée quizz du Sommet. Traditionnel rendez-vous où se croisent le tout public, les journalistes, l’équipe du festival, les distributeur-rice-s, les exploitant-e-s et quelques personnalité-e-s invité-e-s du festival. Le temps, en presque 2h30 de convivialité, de se retrouver pour faire la fête autour de questions portant sur le cinéma. Mais détrompez-vous, il n’y a pas grand-chose de très sérieux dans cette soirée quizz. La rivalité entre équipes est bon enfant, souvent très absurde et comique, le jeu donne l’occasion aux participants de perdre leur voix, en attendant des goodies (vinyle, dvd, sac, tee-shirt, etc…) et des shots d’alcool en récompenses. Ah, les Arcs (smile).

Na razie !