Les Arcs Film Festival 2020 : Jour 1 / Ouverture

Une édition transformée

Ce n’est plus une nouvelle, nous vivons une période très spéciale avec la pandémie de Covid19. Cette horrible situation sanitaire a entraîné de grands bouleversements durant toute l’année 2020. Notamment la fermeture des salles de cinéma et l’impossibilité que les événements culturels (dont les festivals) puissent se tenir normalement comme chaque année. Certains festivals ont été tout simplement annulés, d’autres se sont ré-inventés le temps de leur édition 2020. C’est le cas des Arcs Film Festival, qui nous permet de profiter du cinéma européen grâce à cette édition digitale. Reconversion numérique sobrement mais génialement intitulée « Hors Piste ». Mais cette édition digitale comprend deux volets. Le premier étant le « Hors Piste Cinémas », qui permettra à 10 films de la sélection d’être diffusés dans plusieurs salles obscures partout en France, quand les cinémas pourront ouvrir à nouveau. Puis, il y a le « Hors Piste Digital », où plus de 80 films peuvent être visionnés en ligne du 12 au 26 Décembre. Le festival s’étend donc d’une semaine, afin de vous laisser le temps de voir le plus de films possible. Un mélange sur deux supports différents, pour que l’on puisse partager du cinéma et une sélection autant que possible, même si nous ne sommes physiquement ensemble aux Arcs.

Même les événements professionnels ont lieu, que ce soit le Music Village avec des performances enregistrées, l’Industry Village qui aura (normalement) fin Janvier à Paris, et le Sommet des Arcs (les rencontres entre distributeurs et exploitants) qui a commencé depuis le 18 Novembre ! Cette édition Hors Piste via la plateforme https://horspiste.lesarcs-filmfest.com/ , où vous pourrez même avoir accès à des conférences et masterclass enregistrées. Une édition qui commence déjà sur un chiffre record, puisque les événements professionnels comptent 800 inscrits cette année, contre habituellement 250 dans le format physique du festival. Serait-ce finalement un tournant énorme pour le festival ? On y croit. Mais l’avenir nous le dira.

Une édition particulière mais riche

En attendant, cette édition Hors Piste continue sur la traditionnelle ligne éditoriale qui fait la force et la beauté du festival : des films qui viennent des quatre coins de l’Europe, pour naviguer entre tous les genres (il y a du drame, du polar, de la science-fiction, de la comédie, etc) pour rester le plus exigent possible. Des films qui inspirent, qui bouleversent, qui questionnent, qui explorent, qui font rire, qui vous ferons (on l’espère) revenir vers le festival dans les années futures. Ajoutez à cela des rencontres et des débats, mais uniquement avec des équipes de films ou des professionnels de cinéma, mais également avec des penseur-se-s / des scientifiques / des militant-e-s, pour que le cinéma ne reste pas enfermé sur lui-même. Parce c’est aussi cela Les Arcs Film Festival : l’image et la pensée. La parfaite alchimie de ce qu’est le cinéma : une fenêtre sur le monde. Mais sur quoi s’ouvre cette fenêtre, en 2020 ?

Il y a évidemment les compétitions : celle composée de 10 long-métrages, puis celle composée de 27 court-métrages. Une compétition long-métrages comprenant six premiers films, quatre dirigés par des femmes, ainsi que quatre premières françaises. Une très belle sélection puisque trois films de la compétition vont représenter leur pays aux prochains Oscars. La compétition court-métrages est aussi tout alléchante, avec plusieurs nouvelles voix et nouveaux talents, pour mettre en lumière toute la diversité créative du cinéma en Europe. Que ce serait des compétitions sans le vote du public ? Même avec une édition digitale, vous pourrez toujours voter pour votre film favori, directement sur le site du festival ! Mais aussi, que serait une compétition sans jury ? Le jury long-métrages est présidé par l’actrice & réalisatrice Zabou Breitman ; elle est accompagnée du compositeur Amine Bouhafa, de la réalisatrice Sophie Letourneur, de l’acteur & réalisateur Vincent Macaigne, puis de l’acteur & réalisateur Nicolas Maury. Le jury court-métrages est présidé par le réalisateur Guillaume Senez ; il est accompagné de l’actrice Noée Abita, de la productrice Stéphanie Carreras, de la réalisatrice Charlène Favier, puis de l’acteur Grégory Fitoussi.

Evidemment, il n’y a pas que des compétitions aux Arcs. Il y a toujours les fameuses et traditionnelles sélections Playtime et Hauteur. La première est consacrée aux films européens « grands publics », allant du feel-good-movie à la comédie, en passant par le drame historique et le film de genre. De quoi passer du très bon temps avec les 10 films de la catégorie. Concernant la section Hauteur, il s’agit de films audacieux et uniques, où les sujets / les explorations / les interrogations sont multiples, pouvant soulever de nombreux débats : 8 films pour questionner le monde qui nous entoure. Qui dit édition spéciale, dit nouveauté ! Souhaitons la bienvenue à la nouvelle venue : la catégorie « Déplacer les montagnes », qui remplace un focus sur un pays ou une région spécifiques. Une sélection pile dans les actualités, entre le vivre ensemble, l’écologie, l’engagement, etc… Un cinéma pour prendre conscience, et une catégorie liée aux rencontres qui seront mises en ligne. Il ne faut cependant pas oublier les Avant-Premières, toujours convoitées au festival, avec 8 films français que l’on attend impatiemment sur nos grands écrans quand les salles pourront ouvrir à nouveau.

Ce contexte si particulier a donné lieu à une cérémonie d’ouverture évidemment spéciale. Pas de public dans la salle Taillefer, pas de vidéo avant les prises de parole pour annoncer la couleur et l’ambiance si chaleureuse, pas de scène où se succèdent les intervenants. À la place, il a fallu innover. Et nous pouvons compter sur l’équipe des Arcs Film Festival pour cela ! À la place, donc, une vidéo de vingt minutes qui nous présente comment s’est organisé cette édition Hors Piste, mais qui présente avec toute logique la programmation. De belles choses sont à noter avec cette vidéo d’ouverture : même si elle n’est pas suivi de film d’ouverture ou de soirée d’ouverture, l’équipe du festival sait faire preuve d’humour et d’ironie face à la situation. Un joli moment qui tend à ne pas faire oublier « l’esprit des Arcs » (qui va quand même nous manquer) mais qui « assume cette situation un peu étrange ». L’humour, dans ces temps difficiles, c’est important : une note bien joyeuse pour plonger dans la sélection. Une vidéo qui n’oublie pas de faire parler de nombreuses personnes de l’équipe du festival, pour nous présenter chaque catégorie & événement, pour nous présenter leur travail & leurs efforts, pour nous montrer l’énergie d’un festival qui se transforme pour nous.

SLALOM, de Charlène Favier

Les films vus ce jour

Nous avons vu deux films aujourd’hui, après la cérémonie d’ouverture (il a fallu, avant, terminer quelques travaux et préparer le festival). Nous avons commencé avec une avant-première, pour bien rester dans l’esprit du festival. C’est donc avec plaisir que nous avons découvert SLALOM de Charlène Favier (qui devait sortir en salles le 16 Décembre…). Un très belle surprise, un film étonnant qui explore un sujet difficile à traiter avec un regard clinique qui perturbe beaucoup. Sans jamais juger aucune situation ni aucun personnage, car la cinéaste prend soin de nuancer chacun d’entre eux, le long-métrage raconte l’emprise d’un entraîneur de ski sur l’une de ses sportives qui est mineure. Avec un regard rivé vers les sommets, le corps de la jeune Lyz (brillamment interprétée par Noée Abita) cherche sa place aussi bien dans son sport que dans sa vie sociale. Déjà isolée et perdue dans l’ambiguïté de ses désirs, Lyz se retrouve constamment écrasée aussi bien psychologiquement que physiquement. Le film suit les variations du corps de Lyz dans le temps, sans jamais rien justifier, mais grâce à une caméra qui s’élance et découvre la sexualité en même temps qu’elle, sans aucun filtre mais avec vertige. On pense à l’emprise du directeur artistique sur la danseuse dans LES CHAUSSONS ROUGES de Powell & Pressburger, mais on pense également à l’esthétique & l’ambiance clinique de SNOW THERAPY de Ruben Östlund.

Ensuite, nous avons fait un premier pas dans la compétition long-métrages, avec le film britannique AFTER LOVE de Aleem Khan. Dans son récit, le cinéaste explore un adultère par le prisme du deuil. C’est innovant, c’est bouleversant et c’est tragique à la fois. Tout simplement parce que le cinéaste ne se concentre pas sur un seul personnage, mais il fait le portrait des deux femmes qui étaient dans une relation amoureuse avec le défunt. Deux femmes, deux portraits dans deux espaces différents : le Royaume-Uni et la France. Sans jamais être question de voyage, le film réussit tout de même à parler d’une fracture dans l’espace commun : celle où l’absence d’un être perturbe deux vies, deux quotidiens. Cet espace commun, c’est celui où l’être disparu est désormais un fantôme, voire même un souvenir. Dans une suspension du temps qui devient incertain, le cinéaste envahit les corps par l’immensité des espaces. Parce qu’avec cette absence et ces souvenirs à reconstituer, les espaces paraissent bien vides. Alors les corps se figent presque, cherchent et apprennent à se connaître dans des cadres fixes. Sans jamais aller du côté de la colère (par rapport à l’adultère), le film reste du côté de l’amour, pour investir & saisir les images manquantes d’une vie soudainement obscurcie. C’est alors que la sensibilité face à la vérité prend la forme de la lumière qui envahit le cadre, avec ces regards fuyants qui finiront par se livrer au chaos total. Tout ceci est aussi émouvant et beau que le plan final, respirant le cinéma dans ce qu’il a de plus précieux envers l’humanité.

AFTER LOVE, de Aleem Khan

Après ces deux belles découvertes, c’en est terminé de la première journée de festival. Même si nous ne sommes pas dans la neige, en train de faire la fête jusqu’à une heure indécente avec la difficulté de se lever le lendemain matin, nous sommes là pour parler des films du festival. Alors rendez-vous chaque jour à 8h, jusqu’au Dimanche 20 Décembre, pour ce journal de bord loin du village des Arcs. Bon festival à tous & toutes !