Woman at war

Troisième long-métrage de Benedikt Erlingsson, après le déjanté / savoureux DES CHEVAUX ET DES HOMMES (2013) et le documentaire THE SHOW OF SHOWS (2015). Après l’énergie humoristique du film DES CHEVAUX ET DES HOMMES, le cinéaste islandais ne pouvait pas mieux élever son travail avec un feel-good movie. Il est sûr qu’après un tel film, on pouvait attendre beaucoup. Tout est loin d’être parfait, plusieurs maladresses sont à noter, mais WOMAN AT WAR réussit à être sympathique, divertissant, là où il traite de militantisme. Sauf que le cinéaste n’explore pas, ni ne traite frontalement le militantisme. Ce qui l’intéresse est le parcours quotidien de sa protagoniste : entre action militantisme et vie privée, traiter le comportement et la dualité psychologique.

WOMAN AT WAR navigue donc entre l’aventure et l’intimité. L’un répond de l’autre, les deux se mêlent et sont cohérents dans un regard tendre et loin d’être radical. L’action militante de la protagoniste est toujours accompagnée de bienveillance. Soit par les apparitions des proches, soit par une aventure modérée. Le danger des actions est en hors-champ, parce que le cinéaste préfère cadrer le courage, l’effort et la motivation de sa protagoniste. La somme des actes commis par Halla peuvent se compter sur le doigt d’une main : c’est une volonté de conter un esprit, et non de glorifier un acte. En parallèle, mais dans une même chronologie de l’esprit militant, Benedikt Erlingsson développe une intimité très tendre pour Halla. Sur le point de devenir mère (adoptive), la protagoniste obtient un cadre d’apaisement, des cadres plus serrés pour capter la rupture de ton. Entre les cadres serrés de l’intimité joyeuse, et les cadres larges de l’aventure militante, WOMAN AT WAR est une proposition étonnante où la bienveillance confronte/efface la violence.

Benedikt Erlingsson n’a cependant pas perdu du ton porté dans DES CHEVAUX ET DES HOMMES. Ce nouveau long-métrage est aussi un feel-good movie, où un désir se concrétise au milieu d’un sentiment d’oppression. La mise en scène est très réglée, aspirant à protéger constamment les intentions et le corps de la protagoniste. Le cadre met en valeur ses actions, mais la mise en scène tend à avoir un côté ironique. Tout se passe dans le mouvement, dans la manière d’amener une sensation. Le moindre regard, le moindre pas, sont des détails importants qui suggèrent une sensation à un instant donné, pouvant faire basculer le récit. Toutefois, on pourra reprocher au cinéaste d’avoir trop écrit son récit, de le rendre trop bavard. Même si les sensations ressortent beaucoup, plusieurs scènes entre Halla et ses proches se retrouvent immobiles, puis à se reposer sur la parole. Bien dommage, car le montage très mélodique (le film se construit comme une chorégraphie avec transitions intimes – tels des solos), notamment avec les plusieurs apparitions délicieuses de musiciens. Hélas, le feel-good doit son côté bavard à sa narration plus classique que dans DES CHEVAUX ET DES HOMMES. Peut-être une volonté de toucher davantage de public. Dommage, car ce schéma narratif pèse lourdement sur le rythme du film. Un rythme qui tient des promesses au début, entre l’alternance aventure/intimité ; mais qui s’essouffle vite et peine à s’alimenter, à cause d’un montage qui construit un chemin tout tracé, sans surprise.

WOMAN AT WAR (Kona fer í stríð)
Réalisé par
Benedikt Erlingsson
Scénario de Olafur Egilsson, Benedikt Erlingsson
Avec Halldora Geirharðsdottir, Johann Sigurðarson, Jörundur Ragnarsson, Juan Camillo Roman Estrada, Vala Kristin Eiriksdottir
Durée : 1 h 41
Pays : Islande
Sortie française : 4 Juillet 2018

3 / 5