Volta à terra, documentaire au coeur du Portugal d'aujourd'hui

Réalisé par Joao Pedro Placido
Écrit par Laurence Ferreira Barbosa
Portugal
75 minutes
Sortie le 30 Mars 2016

Dans un hameau montagnard du nord du Portugal, déserté du fait de l’immigration, une communauté de paysans subsiste. Ses 49 habitants nous font traverser quatre saisons. Parmi eux, Daniel, jeune berger qui rêve de l’amour au crépuscule… Il fait partie de ce décor autonome, que l’on pourrait aussi qualifier de auto-suffisant. Et dans cet environnement naturel et minéral, il y a à la fois tout à regarder mais surtout tout à protéger. Comme un relief qui n’a rien de terminé, mais qui confond le passé et le présent. Cependant, en prenant le point de vue de Daniel, il y a une crainte pour l’avenir qui survole chaque scène.

Il y a donc cette question évidente de la temporalité, pas seulement dans l’inquiétude envers le futur. Parce que le cinéaste prend le temps de regarder la communauté dans ses responsabilités quotidiennes, dans ses actions les plus répétitives et simples. Il s’agit davantage de contempler la préservation d’une passion pour le travail manuel, que de décrire une morale sur la condition humaine (même si c’est un documentaire que les britanniques ne bouderaient pas, eux qui ont un talent absolu pour filmer la condition humaine). Ainsi, le long-métrage réussit à trouver l’essentiel dans les personnes qu’il filme, à travers leur essence même du temps qu’ils passent à leurs activités.

C’est là qu’intervient la question de l’espace, précieux dans ce coin du Portugal. En complément de la préservation, il y a un réel amour envers la terre et le travail qui y est effectué. A chaque situation, la terre se présente comme la survie et le crépuscule (à la fois) des personnes filmées. Parce que le cadre n’offre pas d’autre horizon possible, socialement et économiquement. Cet espace, ce village, est leur univers propre. Tel un monde de l’ailleurs qui n’appartient qu’à eux, que eux seuls peuvent contrôler. Sans jamais les enfermer dans leur village (la preuve avec l’arrivée de citadins pour une fête du village), il ne les fait pourtant pas en sortir : c’est un encrage tellement fort que les personnes filmées ne peuvent fonctionner seul.

Même si le film frôle parfois la fiction avec Daniel, celui qui rêve d’une histoire d’amour avec une citadine qu’il rencontre à la fête du village. Cette intrigue parallèle est presque hors du temps, hors de l’espace : une sorte de porte d’ouverture dans cet ailleurs. Cela dit, Daniel agit dans un ensemble, il ne peut se séparer de la communauté dans laquelle il a grandit. Ce village est un tout un collectif tendre, simple, chaleureux mais tout aussi héroïque. Par le travail qu’ils fournissent chacun de leurs mains, par les repas qu’ils font à plusieurs, etc. Ce documentaire a quelque chose d’essentiel donc : la communauté dans un ailleurs qui leur appartient où la terre est leur essence et le temps leur justice.

3.5 / 5