Us

Tout est sur l’affiche : « le réalisateur et scénariste de GET OUT, Jordan Peele, vous invite dans son nouveau cauchemar ». US n’est donc pas un film d’auteur, mais un film de buzz. Parce que GET OUT a rencontré un succès inattendu, alors la production met le paquet de fric, et le réalisateur fait son cirque. Les ficelles sont les mêmes : dans sa thématique de faire du genre horrifique une métaphore d’une ambiance socio-politique, Jordan Peele tend à reproduire un cauchemar sur la surprise, sur les twists et sur une bande sonore qui fait angoisser/sursauter. Aussitôt devenu une idole du côté d’Hollywood, il semblerait qu’on peut tout lui pardonner. Sauf que US est vraiment le produit même du cinéma d’horreur tel qu’on aimerait y échapper, celui qui ne connaît que les artifices du genre, sans en proposer une vision personnelle, et sans même chercher à innover sa structure ou son esthétique.

Dans US, Jordan Peele nous livre un film sombre de partout. Il ne suffit pas de tourner uniquement la nuit, et de dérouler son récit uniquement la nuit, pour que cela produise une ambiance angoissante et/ou horrifique. C’est également une affaire de rythme, de montage et d’esthétique du cadre. Or, Jordan Peele n’a aucune idée de rythme, de montage et le pire : plus aucune idée de cadrage. Dans GET OUT, on retenait surtout sa manière de faire du cadre une projection mentale des personnages, d’où l’apport de l’ambiguïté et d’angoisse chez le protagoniste (brillamment interprété par Daniel Kaluuya). Même si on peut relever la très belle performance de Lupita Nyong’o qui se donne corps et âme, qui livre une dualité entre détresse intime et détermination collective, il y a tout de même un manque de mordant dans le cadre et le montage. Au revoir la paranoïa de GET OUT, ici Jordan Peele fait succéder cliniquement le home invasion par le slasher, pour finir par le survival. US est alors intéressant dans ses 45 premières minutes, lorsque le cinéaste installe (assez longuement) ses personnages et puis vient perturber ce cocon familial par un home invasion davantage paranoïaque et troublant qu’horrifique. Mais très vite, Jordan Peele dérive dans les banalités (et parfois les grossièretés) du slasher et du survival.

Le cinéaste balaie très rapidement l’option du doute, l’option du mystère, et finit par se noyer dans une chasse à l’homme dont la structure et le rythme narratifs laissent absolument perplexes, tant l’ensemble se révèle très rapidement ennuyeux. Effectivement, dès lors que la famille commence à être séparée par ces « monstres » sortis de nulle part, le film révèle sans surprise l’existence d’autres « monstres » qui forment une seule et même « secte ». Le film alterne parfois entre le film d’aliens qui envahissent la Terre et veulent éliminer l’humanité, avec une aventure au coeur de l’horreur. Puisque, évidemment (encore une fois), après de nombreux ajouts sonores irritables, Jordan Peele fait rencontrer les deux formes vivantes (un être humain et un « monstre ») là où il ne faut pas. Tout le film trace le chemin attendu vers le coeur de l’horreur, comme si Jordan Peele n’avait pas grand chose à raconter et à montrer. Entre les banalités du cinéma d’horreur (le noir, la couleur rouge, les sons pour le sursaut, les silences pour quelques jump-scares, les travellings lents, quelques coupes rapides, etc), Jordan Peele perd sa patte fascinante de GET OUT pour un montage agressif et brouillon de plusieurs séquences horrifiques indépendantes. US n’a rien à proposer au cinéma, il n’existe seulement par son propos sur le contexte socio-politique actuel. Très loin d’être suffisant.


US
Écrit et Réalisé par Jordan Peele
Avec Lupita Nyong’o, Winston Duke, Shahadi Wright Joseph, Evan Alex, Elisabeth Moss, Tim Heidecker, Cali Sheldon, Noelle Sheldon, Yahya Abdul-Mateen II, Anna Diop
États-Unis
1h56
20 Mars 2019

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