Tu mourras à 20 ans

Le titre du film est déjà très évocateur du sujet, mais un peu moins de la narration. Au Soudan, peu après la naissance de Mozamil, le chef religieux du village prédit que celui-ci mourra à l’âge de 20 ans. À partir de ce postulat, le cinéaste Amjad Abu Alala enclenche plusieurs éléments perturbateurs. D’abord, le père de l’enfant n’arrive pas à supporter la prédiction (ou malédiction) et abandonne sa famille. Ainsi, Mozamil est élevé par sa mère seulement, qui le couvre de toute son attention et veut le protéger à tout prix. TU MOURRAS À 20 ANS possède donc trois temps différents dans sa narration : il y a l’introduction avec la malédiction, il y a l’enfance de Mozamil avec sa mère qui le protège, puis il y a la plus grosse partie narrative quand Mozamil a 19 ans. Le film passe davantage de temps à explorer Mozamil dans son passage impossible de l’adolescence à l’âge adulte, avec tous les apprentissages habituels : l’amitié, l’amour, le travail, etc…

TU MOURRAS À 20 ANS qui est un premier long-métrage, a cette dimension très sociale dans son regard, n’hésitant pas à faire durer ses plans et ses scènes. Une dimension sociale qui se caractérise aussi par le dispositif utilisé, entre documentaire et fiction. Le cadre montre beaucoup d’observation, en suivant le mouvement de son protagoniste, et en prenant le temps d’écouter et s’exprimer les paroles. Grâce à cela, Amjad Abu Alala fait le portrait désabusé d’une société soudanaise qui ne vit pas vraiment. À travers l’observation réaliste de Mozamil, le cinéaste montre la souffrance quotidienne face au manque de ressources suffisantes pour vivre. Le film raconte avec bienveillance et compassion, mais surtout avec attention et écoute, la difficulté de grandir dans un pays où la pauvreté et la mort se côtoient. Cependant, la mort n’est qu’un contexte dans le récit, ne parvenant jamais à transcender le regard où la peur laisse place à la résignation.

Les attitudes sont presque nonchalantes, le cadre est observateur car il est empreint de fatalité (avec la malédiction). Toutefois, la mise en scène minimaliste de Amjad Abu Alala est en constante recherche d’aprentissage, de liberté et d’assouvissement de libertés. Mozamil commence à connaître l’amour, essaie de s’intégrer aux jeunes du village, préfère apprendre les mathématiques que la spiritualité, etc… Mozamil erre dans les espaces du village, mais montre qu’il a toujours une curiosité. Il erre tel un semi fantôme, comme s’il a été dépossédé d’une âme depuis sa naissance, mais qu’il a toujours sa conscience et surtout ses émotions. Mais encore une fois, dommage que la peur de la mort ne se ressente pas dans cette esthétique austère, ni même dans le hors-champ, et que l’apprentissage et la liberté s’apparentent davantage à une résignation. TU MOURRAS À 20 ANS reste tout de même un film important pour son message de liberté, et son regard vital sur la jeunesse.


TU MOURRAS À 20 ANS
Réalisation Amjad Abu Alala
Scénario Amjad Abu Alala, Yousef Ibrahim
Casting Mustafa Shehata, Islam Mubarak, Mahmoud Elsaraj,
Pays Soudan, France, Égypte, Allemagne, Norvège, Qatar
Distribution Pyramide Films
Durée 1h45
Sortie 12 Février 2020