Thérèse Desqueyroux

Dernier film de Claude Miller, qui mourra quelques semaines avant la présentation du film au Festival de Cannes 2012. Pour son dernier long-métrage, Claude Miller refait une adaptation d’après un livre de François Mauriac. On se devait donc d’être exigent quand il s’agit d’adapter un roman afin de ne pas bêtement retranscrire le texte à l’écran.

Le scénario qui en a été fait n’a pas été assez rigoureusement travaillé. On y trouve une évidente linéarité dans ce texte qui ne permet pas au metteur en scène de se créer une échappée afin de prendre des risques et de faire passer dans son film quelques petits coups de génie qui seraient hors-sujet avec le roman. A vouloir trop retranscrire dans les détails le roman qu’on adapte, on oublie que la prise de recul et l’interprétation personnelle est toujours fruit de belles surprises.

Cela provoque la création d’une bulle dans laquelle le cinéaste s’enferme. A ne pas vouloir prendre des risques et à se détacher de son scénario, Claude Miller prend la direction du classicisme. Il nous est donné de voir une narration qui n’a pas d’âme et qui ne montre jamais son potentiel. Ca se veut simple pour ne pas vouloir trop en faire mais ça devient trop léger, pour finir par ne jamais évoluer d’un pouce.

On n’apprend rien, on n’est jamais surpris par quoi que ce soit. Claude Miller nous livre son film dans la plus grande inquiétude du spectateur. Sans parler d’un rythme quasi inexistant. Tout ça pour dire que ce classicisme dans lequel le cinéaste s’est embarqué est comme le feu dans le film : il n’est jamais question que le feu n’atteigne la maison pour venir donner un coup de chaud.

Il est quand même judicieux de relever l’ambiance tendue du film. Dans cette époque où la femme n’était presque qu’une sotte qui s’occupait de la maison et qui devait obéir à son mari. Pire encore, la fille qui se marie à un bourgeois et qui devient petit à petit en proie à cette famille bourgeoise et toutes leurs règles dérisoires.

De là en découle ce sentiment qui était d’ordre à l’époque : la femme qui ne demande rien de plus que la liberté. Une chose qui était difficile à avoir et pratiquement impensable dans les années 20 (rappelons que le droit de vote des femmes n’arrive qu’en 1945). C’est donc l’histoire d’une femme prise au piège de la bourgeoisie et qui veut acquérir plus de droits.

Un peu comme A perdre la raison de Joachim Lafosse cette même année, la femme étouffe dans la vie qu’elle mène avec son mari et la famille qui les entoure. Cette femme qui va progressivement perdre ses moyens, venant à comettre l’irréparable. L’une empoisonne son mari pendant que l’autre tue ses enfants. C’est le bouleversement de la vie dotée de règles qui nous est retranscris.

Et pour incarner cette femme, Audrey Tautou se plonge corps et âme, habitée par son personnage de Thérèse tout comme Emilie Dequenne se révèle exquise et étincellante dans A perde la raison. Alors que Tahar Rahim était brillant aux côtés d’Emilie Dequenne, Claude Miller choisit Gilles Lelouche qui se trouve être plutôt niais, dans un personnage presque sans saveur et qui finalement ne nous persuadera pas de son importance.

Il est temps de parler d’esthétique. Et avant de dire à quel point chaque plan de ce film est très beau, il faut dire et répéter la beauté d’Anais Demoustier. Actrice au grand talent, trop méconnue et pourtant à la filmographie bien remplie. Continue de nous faire rêver piote. Bref, Claude Miller prouve qu’il peut filmer les scènes du roman.

Que ce soit de la lumière, du décor, de la focale ou du mouvement de caméra décidé par Claude Miller, chaque plan nous plonge un peu plus dans cette ambiance de beauté qui illumine la vie de Thérèse qui est plutôt sombre. Bien que la tension soit constamment présente, il ne faut pas oublier que la passion est déchirante dans cette histoire.

3.5 / 5
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