The third murder

Hirokazu Kore-eda est connu pour ses fables sur la famille, traversant les genres (surtout du drame, mais quelques passages dans le fantastique, la comédie ou le documentaire sont à noter). Avec THE THIRD MURDER, Hirokazu Kore-eda s’éloigne des drames familiaux pour s’aventurer dans un pur film de genre. Son film est un thriller absolu, avec le schéma classique d’une enquête et avec ce qu’il faut de scènes de confessions (avec l’avocat) et de tribunal. Même s’il y a une histoire de famille dans le film, elle est trop maigre pour en faire le centre. Alors le cinéaste japonais se concentre sur la forme de son drame judiciaire. Le problème est davantage préoccupé par la structure du mystère qu’il dessine. THE THIRD MURDER est un film d’enquête ordinaire, certes bien ficelé, mais qui préfère ouvrir un tas de tiroirs sans pour autant aller regarder au fond de chacun. Ce regard forcé sur le genre ne fait qu’apporter une monotonie : Kore-eda ne cherche pas à structurer pour résoudre, mais à structurer pour faire de la philosophie envahissante.

Le cinéaste se concentre davantage sur son enquête, plutôt que de creuser ses personnages. Avec autant de tiroirs ouverts, il y avait de quoi développer ses protagonistes. Sauf que le mystère, prenant tellement de place dans le rythme du film, ne permet pas d’explorer profondément la complexité des personnages. Il y a des relations qui restent ambiguës, il y a des comportements qui surviennent brutalement et sans aucune raison, et ce tout n’est pas exploité dans la longueur. Il s’agit davantage de bavardages, de questions, de bourrer le crâne du spectateur de questions, plutôt que de dessiner des caractères qui influencent le récit. Là est le gros problème de THE THIRD MURDER : c’est le récit (et donc l’évolution de l’enquête) qui influence certains comportements, et non l’inverse.

Cruellement dommage, car le cinéaste japonais confirme son style esthétique très marqué. Une sorte de classicisme lumineux et jovial, avec beaucoup d’empathie grâce aux plans fixes serrés ou aux lents travellings avant. Avec THE THIRD MURDER, Kore-eda se place dans le film noir. Mais sans perdre l’élégance de son esthétique. La photographie est très juste, jamais austère comme son récit, mais tout de même avec la délicatesse d’une palette de couleurs froides. C’est une ambiance radieuse mais aussi glaciale, dans un récit très sombre. Cependant, Kore-eda est beaucoup moins inspiré avec sa mise en scène et son montage. Malgré quelques fulgurances intéressantes lors d’interrogatoires (dans le bureau des avocats, ou au parloir de la prison), le film est bien trop démonstratif. Comme une forme qui serait coincée dans le genre du judiciaire, où les champs/contre-champs sont une norme, et où les allers-retours dans les lieux se ressemblent. Une forme faite de redondances criantes, où parfois un basculement du rapport de forces semble vouloir jaillir (en vain). Le soucis de la mise en scène est le manque de complexité des personnages, ne permettant pas au cinéaste de multiplier les possibilités de point de vue.

SANDOME NO SATSUJIN (The third murder)
Réalisation : Hirokazu Kore-eda
Casting : Masaharu Fukuyama, Kôji Yakusho, Shinnosuke Mitsushima, Mikako Ichikawa, Izumi Matsuoka
Pays : Japon
Durée : 2h04
Sortie française : 11 Avril 2018

2.5 / 5