Salvo

Avec La Grande Bellezza (Paolo Sorrentino), Moi et Toi (Bernardo Bertolucci) puis La Belle Endormie (Marco Bellochio), on se disait le cinéma italien bel et bien toujours présent dans les salles obscures. Sauf que, comme dans tout pays, il y a des films qui font tâche. En 2013, pour le cinéma italien, il y a Salvo pour prendre ce rôle. Aussi bien par le fond que par la forme. Et quand on sait le potentiel créatif et visionnaire du cinéma italien, ce film refroidit et nous laisse quelques regrets. Ce film aurait pu durer trente minutes, mais il en dure plus du triple. Et dire qu’il a fallu deux cerveaux et quatre yeux pour faire un tel film…

La première séquence est impressionnante. Bien que le rythme y soit déjà très soutenu, nous assistons à une fusillade, entraînant un cambriolage qui tourne mal. Le reste du film, donc environ 1h30, ne sera que les conséquences de ce geste. Mais une fois passée le cambriolage à la mise en scène froide et sensorielle, nous avons un fond très creux, presque vide. Car le reste du film ne sera que l’histoire du cambrioleur voyageant entre son appartenance à une mafia et une histoire d’amour compliquée.

Sauf que tout se déroulera au niveau des corps. Tout est physique, que ça soit la tension au sein de la mafia (qui ne reste qu’une trame de fond prenant la facette d’un prétexte) ou dans l’histoire d’amour. Aucune psychologie ne sera développée. Le scénario ne nous dévoilera jamais la personnalité des personnages. On en reste à leur caractère primaire du début du film. Même si des sentimens et une passion apparaissent, le fond n’en reste pas moins trop léger pour vraiment avancer et créer une tension narrative.

La seule chose que l’on pourra sauver dans le scénario, c’est le changement de parti pris. Au début, nous sommes mis à l’épreuve de l’action : au début, Salvo est un méchant personnage. Avec l’arrivée de la passion compliquée et étrange envers la soeur de la victime, Salvo devient plus gentil et plus attachant. Deux points de vues se détachent, dus à une cassure nette provoquée par le personnage féminin. Mais le spectateur ne sera pas pris par la main, il ne sera guidé dans aucune direction.

En effet, nous assistons là à un film avant tout sensoriel. Avec un fond aussi pauvre, il fallait frapper un grand coup sur la forme. Que ça soit dans la réalisation, l’ambiance et le son. On pourra en retirer plusieurs bons points (que j’expliquerai après), mais jamais, au grand jamais ils ne seront reliés. Pas une seule fois la réalisation, l’ambiance et le son ne vont coopérer pour créer une sensation unique au spectateur. Chacun de ces éléments crée sa propre sensation, tant bien que le spectateur n’assiste pas au même ton.

Quand on regarde la réalisation, on ne sait pas trop si les réalisateurs veulent prendre de la distance sur les deux histoires (amour et mafia), ou plutôt s’en rapprocher pour les confronter directement. Car seul Salvo sert de pivot entre les deux histoires, les autres personnages ne restent que des superflus pour amener des obstacles sur le chemin de Salvo. Même si les performances de Saleh Bakri et Sara Serraiocco sont fascinantes. Saleh Bakri est tout en retenu, constamment dans un comportement animal qui rend son personnage encore plus ambigü. Concernant Sara Serraiocco, son énergie, son regard et ses attitudes paraboliques sont d’une intensité électrisante.

Les deux réalisateurs n’en profiteront jamais pour concorder tout ceci avec leur bande sonore. Il n’y a pas à dire, le film résulte d’un formidable travail sonore. Ce qui est dommage, c’est que les cinéastes italiens ne s’en servent que comme élément de narration unique. Ou, dans d’autres scènes, comme une accentuation de l’effet tragique. Jamais le son ne viendra appuyer la tragédie et la narration déjà en place. Le son fait bande à part, quel dommage.

Enfin, il y a l’ambiance du film. Ou devrais-je dire : les ambiances du film. Les réalisateurs ne font pas dans la demi-mesure. Avec des ambiances (les lumières et les couleurs sont flagrantes) empruntées au polar, au thriller, au western et au road movie, le film forme une mixité intéressante. Sauf que tout ce mélange ne crée en rien un style concret. Nous sommes plutôt dans l’évocation d’une ambiance pour améliorer le ton d’une séquence. On regrettera le manque terrible de dialogues pour augmenter l’effet de mélange des ambiances.

2.5 / 5
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