Revenge

Depuis une poignée d’années, il semblerait que le cinéma d’horreur français a repris une belle énergie. Certains diront que GRAVE de Julia Ducournau a relancé la machine, mais il ne faut pas abuser. GRAVE fait juste partie des productions qui nous font réjouir de voir le cinéma de genre revivre en France. Il serait bien de ne pas oublier des films tels que LES RENCONTRES D’APRES MINUIT de Yann Gonzalez, DANS LA FORÊT de Gilles Marchand, MERRICK de Benjamin Diouris, etc… Autant que les quatre cités, REVENGE de Coralie Fargeat prouve qu’il y a de la matière à traiter dans le cinéma de genre en France.

Le film de Coralie Fargeat est évidemment féministe, avec cette vengeance d’une jeune femme auprès d’hommes. C’est l’inversion du rapport oppresseur-oppressé, mais surtout une catharsis qui tend à se débarrasser de certaines figures pour n’en garder plus qu’une : l’image d’une héroïne en gros plan au centre du cadre, dominant l’horizon. Avec cette catharsis, REVENGE est très pop, très percutant, progressant vers l’ultra-violence, et jamais avare de sang (au point d’être gore à plusieurs reprises). On ne peut pas s’empêcher de repenser à la manière dont finissent les hommes dans ce film. Entre un corps qui se décompose, un insert sur une souffrance pour aller vers l’extrême psychologique, ou une traque dans le plus simple appareil. Cette catharsis se traduit aussi par des peurs exprimées par la protagoniste. Notamment cette très belle scène d’hallucination répétée, qui bouleverse les images et la dynamique du montage. Ce moment est, en quelque sorte, l’essence même du basculement des rapports, mais surtout le moteur qui propulse la dimension horrifique au premier plan.

Mais ce n’est pas qu’un film d’horreur. Ce n’est même qu’une facette des pistes du film. REVENGE se concentre sur quelques références au genre western, mais tient principalement du survival. Avec ses plans larges sur l’horizon, son magnifique plan de motard dans le noir, la manière de suivre des chemins imaginaires (ce désert interminable qui finit par être un puzzle désassemblé) et surtout cette volonté de faire exploser la quantité d’émoglobine versée autour des personnages. Quand le film n’est pas dans la confrontation, Coralie Fargeat contrôle correctement les déambulations et les errances, soumis à la prudence et à la suggestion du hors-champ. On pourrait cependant reprocher à la cinéaste son approche systématique du temps dans la tension : ça s’étire vite à la répétition, et a une tendance au symbolisme (heureusement que la musique ennivrante de Rob sauve quelques scènes).

C’est le gros point faible du film, en étant presque un miroir des films du même gabarit. La passion du cinéma de genre ressort bien dans REVENGE, mais ça transpire de partout. Même le choix de représentation de l’héroïne est gênant : il n’est pas question de douter des talents de Matilda Lutz (elle prouve qu’elle a du talent de performance, sans dialogues), mais cela vient de Coralie Fargeat qui l’introduit comme une bimbo se transformant en une Lara Croft. C’est la même idée dans l’esthétique, où la cinéaste semble jouer comme une première de la classe, qui connaît parfaitement les codes. Justement, cela retire tout style personnel au film. Que ce soit le cadrage ou la photographie, tout est bien trop appliqué, trop subtil, trop allégorique. L’esthétique entirère de REVENGE est un gadget, un récital d’une leçon apprise par coeur. Alors que quelques plans (larges sur le désert, celui du motard dans la nuit) sont comme des mirages, mais qui s’inscrivent dans un emballage d’effets artificiels.

REVENGE de Coralie Fargeat
Avec Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe, Guillaume Bouchède
Pays : France
Durée : 1h48
Sortie française : 7 Février 2018

3 / 5