Pupille

Deuxième long-métrage de Jeanne HERRY, après ELLE L’ADORE en 2014. Dans un registre moins léger que le précédent, en coupant tout apport comique, PUPILLE est un film plein d’émotions qui mise sur un registre plus dramatique et lié à l’intime. Le film de Jeanne HERRY raconte le parcours compliqué d’un nouveau né, de sa naissance jusqu’à son adoption officielle. Comme avec la musique qui accompagne les premiers gestes de mère adoptive d’Alice sur la fin, le film se construit comme une aventure à plusieurs pistes. Parce que dans ce parcours, il y a plusieurs rencontres, il y a plusieurs étapes (administratives et sociales). Celles-ci permettent de découvrir des personnages tous différents les uns des autres, avec leur propre histoire personnelle et leurs propres désirs. Un film qui tend à capter l’humanité, les sentiments et les relations derrière la lourdeur et froideur administrative. Quelques semaines après LE GRAND BAIN, qui montrait déjà qu’il est possible de réunir plusieurs acteur-rice-s provenant d’univers différents, PUPILLE réussit à montrer que le cinéma français a cette veine sociale bienveillante – tout en finesse car il s’agit de l’humain avant tout.

Jeanne Ferry arrive à privilégier l’humain face au parcours administratif, grâce à un scénario remplit de paroles. Les personnages parlent (presque) tout le temps, sans réel temps mort. Sans que cela ne soit pénible, le nombre important de dialogues crée le rythme du film, où chaque parole est le ricochet d’une autre. Sans véritable écho entre les scènes, elles sont toujours connectées par la parole – moteur du destin du nourrisson. La parole dans PUPILLE est ce qui rend les personnages plus humains, et ce qui permet d’avoir une dynamique dans la gravité de la situation. Des dialogues percutants, qui vont directement au fond des sujets, afin de monter toute la pudeur, la sensibilité et l’optimisme dont fait preuve la cinéaste. Le regard de PUPILLE gravite autour du nourrisson, alors toutes les étapes constituant son parcours nécessitent un développement individuel, comme un puzzle qui s’assemble avec plusieurs tons et ambiances.

Cet assemblage de tons et d’ambiances ressemble à une mécanique qui s’alimente petit à petit, avec chaque rencontre effectuée (de près ou de loin) par le nourrisson. La chronologie temporelle est respectée par Jeanne Herry, mais la subtilité vient du montage spatio-temporel. A la fois dans le montage parallèle et dans le montage alterné, tout en changeant régulièrement d’espace pour alterner entre les personnages, PUPILLE est un film qui tient à oublier la démonstration pour se concentrer sur la pluralité. D’une maison isolée en campagne, en passant par la convivialité de la crèche, ou par la délicatesse du geste apportée par les infirmières, etc…, le long-métrage crée une chorégraphie enthousiaste des regards.

Parfois proche du documentaire, PUPILLE a un style très épuré et pudique dans son esthétique. Le cadre est toujours très proche des personnages, et surtout des regards. Pendant que la mise en scène est constituée autour de la douceur mais aussi de l’urgence. Même si le film contient beaucoup de bienveillance et d’humanité, PUPILLE arrive à explorer toute la gravité dans le parcours d’un nourrisson abandonné à la naissance. La photographie est proche du naturalisme, en désirant dessiner les contours de plusieurs intimités. En s’ouvrant sur les espaces, le cadre permet aux personnages de se connecter avec l’émotion et avec l’esprit de parcours du combattant.

PUPILLE
écrit et réalisé par Jeanne Herry
avec Élodie Bouchez, Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Olivia Côte, Clotilde Mollet, Jean-François Stévenin, Bruno Podalydès, Miou-Miou, Stéfi Celma
France / 1h52 / 5 Décembre 2018
Distribué par StudioCanal

4 / 5