No

Pas le premier venu, Pablo Larrain signe avec NO son quatrième long métrage, et son plus grand succès (dixit le présentateur de la séance). NO s’inscrit dans une revisitation historique, celle de la chute de Pinochet, contraint à accepter un référendum national qui le débarquera de son poste de dictateur. Saisissant de reconstitution historique, NO peine toutefois à trouver son sujet, laissant l’Histoire courir à travers le prisme de son personnage principal.

Dans NO, Gael Garcia Bernal est un jeune publicitaire plutôt à l’aise, qui mène les grandes campagnes marketing de prestigieuses marques. Le référendum le force à choisir un camp, et c’est en faveur du NON qu’il trouvera de brillantes idées pour animer (déjà à l’époque) les spots télévisuels dédiés à la campagne. De brainstorming aux inévitables réponses entre camps opposés, NO suit cette étrange course où chacun se doit de parler au peuple tout en jouant la modernité, entre humour et dénonciation. Si le reste est assez éludé, NO parvient à travers quelques scènes à jouer la carte historique avec force. De son format 4/3 assez particulier, d’un grain vidéo permettant de passer de la fiction aux vrais extraits, le film endosse un vrai aspect semi-documentaire non dénué d’intérêt.

Mais le film pêche un peu par excès de paresse, livrant au cœur de l’intrigue un personnage intéressant mais sous-exploité, père de famille célibataire tiraillé entre aisance capitaliste et aspirations gauchistes. On le suit plutôt à ne pas faire grand chose, stratège pensif et mono-expression qui peut rapidement lassé. Seules quelques séquences et la fin du film nous laisse avec cette étrange impression d’être en équilibre au-dessus du vrai sujet sans réellement y foncer, dans un pays lui même tiraillé entre plusieurs inspirations.

CRITIQUE DE TEDDY DEVISME

Chili, 1988 : un référendum doit décider de la prorogation ou non du mandat d’Augusto Pinochet. Le camp du non met en place une campagne publicitaire, choisissant d’axer sa communication sur l’avenir plutôt que sur les attaques contre le dictateur… Sa victoire amorcera la fin du régime Pinochet.

A première vue, on voit un film qui explique la chute de Pinochet. Cette campagne de pub pour un référendum va déclarer les opposants vainqueurs. Pinochet tombe, laissant la dictature pour la démocratie. C’est alors un film qui se concentre sur le partie des opposants, les faisant passer pour les gentils. Le message est clair ici : la démocratie c’est bien, la dictature c’est mauvais. Ce film suit donc les opposants à Pinochet dans leur route vers la victoire, bien qu’eux-même n’en soient pas convaincus. En effet, comme le dirait l’un des personnages, ils ne croient pas en la victoire mais ils ont l’espoir de faire prendre conscience aux citoyens. Modestie et simplicité. Ce film ne va pas brandir des pancartes à l’encontre de Pinochet, il va réaliser une publicité contre le référendum.

Et pour cela, quoi de mieux qu’un homme qu’on n’attend pas à la tête du projet ? Un peu comme dans ces films où les losers deviennent les héros, ce film prend un monsieur tout-le-monde dans la publicité. Encore mieux, c’est un jeune. La fougue de la jeunesse peut amener beaucoup. La preuve, ce jeune publicitaire va refuser de réaliser une pub radicale où le seul but est de montrer des personnes se faire tabasser. Non. CE jeune publicitaire veut attirer les téléspectateurs par la joie. Il va amener dans cette campagne de l’opposition un peu d’humour, de sexy, des déambulations, de la chorégraphie, de la musique. Le mieux, il amène un arc-en-ciel. Vendu comme le symbole de plusieurs partis qui se rassemblent, il montre également la joie dans laquelle est faite le projet et la joie à venir.

Une joie qui approche et qui, selon la pub des partisans du « Non », va rassembler les chiliens. Tous les chiliens, dans la liberté et l’égalité. Du début à la fin, jamais sans ennui, ce film nous offre une ode au collectif. Encore mieux, ce film nous montre de quoi est capable l’être humain quand il s’intègre à un groupe, que ce groupe est plus fort en unissant toutes les intelligences de chaque membre. Et c’est comme ça, en se rassemblant, que l’on fait avancer une idée et un pays.

Ceci expliqué à travers un débat politique. Ce qui est formidable, c’est que nous avons un film à la fois historique et très moderne. Un film qui explique un pan de l’Histoire du Chili mais qui s’inscrit dans les méthodes contemporaines. La politique de notre temps utilise les médias pour se faire entendre et pour ringardiser les rivaux. Voilà une théorie qui se prouve avec ce film : les citoyens d’un pays se fient aux médias pour voter. Les citoyens d’un pays suivent et écoutent entièrement les médias pour alimenter la politique. Il y a dans ces messages publicitaires un semblant des apparitions d’hommes et femmes politique aux télévisions, quand ils débatent entre eux et finissent par se quereller en criant. C’est le passage des arguments aux attaques personnelles.

Un film plus personnel que l’on ne le pense aussi. Le titre pourrait nous faire penser à un film trop sérieux mais au contraire, c’est l’enthousiasme qui domine dans le film. Un enthousiasme sur un film où le réalisateur a clairement le désir de parler de son pays. Pablo Larrain se montre très à l’aise à se faire cinéaste historien et politique à la fois. A coup de chansons, de drapeaux, de sourires, de cartographie des quartiers, Pablo Larrain nous livre un grand amour pour son pays, comme une forme de reconnaissance envers ce changement politique qui libère la radicalité d’un film politique.

Pablo Larrain est aussi très à l’aise quand il s’agit d’ennivrer le spectateur avec ses images. Souvent caméra à l’épaule, pour un instant plus proche et plus vrai, le cinéaste nous livre son récit avec des images plutôt laides. Mais c’est une mocheté qui rend beau. Car ce qui saute aux yeux dans ce film, c’est la mise en abime du documentaire. Avec ses quelques défauts chromatiques, le film se trouve être un semblant de reportage fictionnel sur ce pan de l’histoire. Mais surtout, cette forme donne un avantage certain au film car Pablo Larrain y fait un savoureux mélange.

En intègrant des images d’archives à son film, Pablo Larrain livre un récit plus cohérent, plus vivant et plus galvanisant. En alternant les images choc et la joie dans le collectif, le cinéaste tourne ses images comme une dérision. Il nous offre ainsi la politique comme un objet fragile et presque acide mais qui touche à l’intime (il n’y qu’à regarder ces gros plans). Grâce à tout cela, Pablo Larrain nous dit qu’il reste un côté gracieux dans la politique, qu’on peut encore y croire.

2.5 / 5