Mistress America

Réalisé par Noah Baumbach
Scénario de Noah Baumbach et Greta Gerwig
Avec Greta Gerwig, Lola Kirke, Matthew Shear, Jasmine Cephas Jones, Heather Lind, Michael Chernus, Dean Wareham
Etats-Unis / 90 minutes / Sortie française le 6 Janvier 2016

Le nouveau film de Noah Baumbach a un héritage certain de WHILE WE ARE YOUNG, son précédent, et de FRANCES HA, celui qui a révélé Greta Gerwig. Dans la mesure où la protagoniste ne sent pas à l’aise dans son environnement quotidien. Tracy (jouée par Lola Kirke) préfère l’ambiance glamour à la vie universitaire. C’est à nouveau grâce à une rencontre (comme Ben Stiller et Naomi Watts face à Adam Driver et Amanda Seyfried) que le quotidien de la protagoniste va changer. Telle une ouverture d’esprit, une ouverture vers un autre regard sur le monde. Dans MISTRESS AMERICA, Greta Gerwig devient la demi-soeur de Tracy et l’initie, veut passer le flambeau, comme si le long-métrage est le produit du mariage entre WHILE WE ARE YOUNG et FRANCES HA.

Bien que Lola Kirke joue le premier rôle du film, il est indéniable de constater que tout tourne autour de Greta Gerwig. C’est la Gerwig mania, ou même Grewig superstar : à tel point que l’admiration de la protagoniste Tracy se transforme en une nouvelle qu’elle écrit sur sa demi-soeur. Le show de l’actrice de FRANCES HA ne s’arrête pas ici, puisque le film sillonne les moindres détails de sa propre vie : de son appartemment bobo près de Times Square, en passant par son rêve de restaurant convivial / familial, jusqu’à rendre visite aux personnages qui ont constitué son passé. La vie de Tracy est de plus en plus amoindrie : ses désirs, ses habitudes et ses regrets sont réduits pour soutenir le personnage de la demi-soeur. Il faut dire que Greta Gerwig a co-écrit le scénario, c’est donc bien le Gerwig show…

Malgré cela, Noah Baumbach a une idée de mise en scène précise pour rendre cela plus agréable. Il associe de manière fascinante les attitudes gestuelles à la parole. Autant il y a des dialogues du tac au tac, une sorte de frénésie dans l’enchaînement et dans l’échange, mais il y aussi une chorégraphie des corps permanente. Le cinéaste évite de peu la théâtralité surjouée du va et vient, en donnant des temps morts à ses personnages : par le biais des dialogues. La parole est fortement présente, en s’associant aux comportements par un effet de ricochet. Ainsi, il y a toujours plusieurs choses à voir dans un plan : beaucoup d’informations arrivent en même temps, aussi bien dans les yeux que dans les oreilles. Le film procure cette sensation agréable que la dynamique est enclenchée pour ne jamais se stopper.

Malheureusement, ce n’est pas une fin en soi de savoir utiliser les espaces ainsi, il faut que l’expression qui sort des comportements aille de paire. Au-delà de traiter des personnages bien bobo comme il ne le faut pas (la vie ridicule de la demi-soeur) : une incarnation désinvolte de la réussite, remplie de faux-semblants et de névroses clichées, où la poésie n’est plus que des manières. En effet, en empilant les clichés à la suite, Noah Baumbach rend ses personnages futiles et davantage dans le mime que dans le jeu. On aurait préféré une « performance » pour interpréter cette bohème tant désirée par Tracy, qu’une agitation ringarde envers une obsession.

Surtout qu’autour des personnages, il y a une forme qui n’interagit jamais avec eux. Ce décor est davantage qu’un contexte qu’une source de bohème. Et quand on enferme ses personnages pendant une longue séquence dans une maison, le film perd vite de sa substance d’origine, pour s’installer dans un question-réponse qui maniérise encore plus. Mais ce n’est pas le pire, parce que Noah Baumbach livre une forme très clinquante, comme avec WHILE WE ARE YOUNG. Là où FRANCES HA et GREENBERG était des douceurs modestes mais plein de vitalité, ces deux derniers longs-métrages suffoquent par leur trop plein de couleurs. Heureusement, cela ne devient jamais criard, mais on se croirait devant la captation d’un défilé de mode animé par Gerwig. Le générique de début en est déjà révélateur.

La mention du terme « captation » n’est pas anodine, parce que Noah Baumbach ne sait que faire de sa caméra durant toutes les 90 minutes. Étant donné qu’il s’agit d’un Greta Gerwig show, et que la forme est déjà assez clinquante, alors la mise en scène sous forme de chorégraphie des corps semblerait lui suffire. Or, le cadre ne fait que supporter les attitudes des personnages, comme un témoin qui n’a que la symétrie comme idée. Ce n’est plus de la modestie mais bien de la complaisance à en faire le minimum, à laisser les comédiens parler et agir, pour ensuite les suivre bêtement.

2.5 / 5