Leçons d’harmonie

Festival du Film d’Amiens 2013

Aslan, un garçon de treize ans, vit avec sa grand-mère dans un petit village rural du Kazakhstan. Ce bon élève scientifique appliqué souffre également d’un grand manque de confiance en lui et ne se sent bien que dans un environnement propre, net et sous contrôle, dans une école régie par la violence, les railleries et les brimades. Quand Bolat, la brute de l’école, et sa bande l’humilient devant ses camarades de classe au cours d’une visite médicale, ses troubles de personnalité éclatent au grand jour. Mais il ourdit méthodiquement sa revanche en silence.

Ca commence comme Le Cheval de Turin (Bela Tarr), un animal, un enfant, un parent et pas de paroles mais du vent. Sauf que ce début est trompeur. Emir Baigazin nous offre une première scène loin du ton qu’il donne à tout le reste de son film. On pourra parler d’un style Haneke. Où l’aspect clinique prime, où l’évolution est faite de manière brutale, et où les personnages paraissent si ordinaires. A noter notamment la multitude de couleurs froides, puis les nombreux grands murs blancs. Voir même toutes ces pièces ou paysages vides.

La mise en scène du cinéaste kazakh va plus loin. Le film devient plus intéressant à la façon dont les acteurs sont placés. Même si on ne peut y voir une totale liberté de jeu pour les acteurs, le réalisateur sait où placer précisément ses acteurs. Les silhouettes fondent dans le décor, comme si l’espace appartenait aux personnages. Ce sont ces personnages qui contrôlent le décor, l’espace qui leur est loué. Cela n’empêche pas du tout Emir Baigazin de faire le minimum avec sa caméra.

L’aspect clinique apparait dans la démonstration, dont Haneke tient tant à coeur. Celle où les acteurs jouent, et le cadre reste fixe. De longs plans, où il ne se passe pas vraiment grand chose, mais où il y a une maîtrise certaine. Les travellings sont lents, effectués seulement lors des déplacements des acteurs ou alors pour dévoiler quelque chose. Une caméra qui n’est pas tellement un miroir bête, mais bien le témoin d’une réalité (comme on peut le voir chez Haneke).

De plus, ces plans fixes n’exercent aucune influence sur le reste de l’esthétique. On affirmera chez Emir Baigazin un sens exquis du paysage. Il assure la capture du paysage (non pas les décors intérieurs) avec une assurance qui nous fait sortir plusieurs fois de l’aspect clinique pesant. Ceci afin de revenir légèrement vers un réalisme troublant. Car à côté, il faut assurer l’intrigue. Alors, pas dans la frontalité, ni dans le direct, et non plus dans la retenue.

Le réalisateur fera en sorte que le tout reste acceptable. Il ira se placer plusieurs fois au contact de ses personnages. Jouant sur la longueur pour mieux préparer l’assoudissement des futurs actes. N’hésitant pas non plus à jouer sur le non-dit, pour mieux explorer l’état de nature de ses personnages. Allant même jusqu’à porter la violence (avec la loi du plus fort chez les jeunes) à un haut niveau, pour mieux apporter une touche de malsain dans l’ambiance clinique.

Et même si la fin laisse le spectateur interpréter les situations en cours, le film est appliqué dans son rythme. Le montage peut nous indiquer un film à deux chapitres. Sauf que cette coupure transparente comblera les longueurs et les creux du scénario. Même si lentement, l’intensité créée dès le début (avec ce mouton égorgé et vidé) ne fera que progresser. Pour finalement atteindre l’ultime coup de couteau (métaphore pour un retournement de situation).

3.5 / 5
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