Le crime du sommelier

Réalisé par Ferdinando Vicentini Orgnani
Écrit par Fabio Marcotto
Avec Vincenzo Amato, Giovanna Mezzogiorno, Pietro Sermonti, Daniela Virgilio, Lambert Wilson, Erika Blanc, Gioele Dix
Italie / 100 minutes / Sortie le 2 Mars 2016

Sixième long-métrage de Ferdinando Vicentini Orgnani, le troisième de fiction. C’est un film qui vient un peu de nulle part, puisqu’il n’a bénéficié de pratiquement aucune publicité, alors que le distributeur propose des avant-premières aux exploitants (avec dégustation de vin en fin de séance). Cependant, il s’agit là d’un thriller qui a des idées à offrir : il peut notamment faire penser à une nouvelle vision de GARDE A VUE (Claude Miller, 1981). Là où le film de Miller est un huis-clos permanent, LE CRIME DU SOMMELIER joue de l’interrogatoire enfermé pour y parsemer des flashbacks. Giovanni, expert en vins réputé, est accusé d’avoir tué sa femme. Ses derniers jours sont passés au peigne fin par le montage.

Avec ses retours en arrière et toutes les suggestions (un mystère au-dessus de chaque personnage, concernant leurs intentions), le long-métrage a une narration de plus en plus abstraite. Dans les premières scènes, le rythme prend son temps ; et au fur et à mesure, le rythme est plus radical et la narration part dans tous les sens. Dans une idée positive, puisque le film aime brouiller les pistes autour de son protagoniste, en faisant intervenir des personnages secondaires qui vont troubler le huis-clos. L’idée est de parsemer quelques éléments clés ici et là, mais sans les relier instantanément.

C’est ce que la forme essaiera de suivre, par des moments d’illusions. Il faut remarquer comment les personnages vivent dans un environnement luxueux : la place où se déroule le rencard est un univers menaçant, l’immense terrain de golf vide est un endroit de tranquillité et de solitude, les réceptions chics, etc. Il y a constamment la construction d’un milieu bourgeois, qui finit par être tâché et sali par de petits événements : le meurtre, une bagarre, une visite surprise, etc. Dans tous les cas, les personnages évoluent dans des espaces vastes où la lumière apparaît de chaque recoin, comme pour augmenter l’effet lumineux du décor et modifier le contraste naturel du visage des comédiens.

Avec de nombreux plans fixes parfois en plans séquences et des travellings lents, le long-métrage cadre toute cette illusion formelle comme une sensation permanente. Parce que le huis-clos dans le grand bureau de police est la source de tous les souvenirs. Chaque question posée au suspect amène à faire resurgir une sensation en particulier. Ainsi, le montage exprime un surréalisme qui se confond avec la réalité. Comme si les situations décrites par le protagoniste sont insensées (les preuves manquent terriblement), ou que ces sensations sont le fruit d’un fantasme inconscient. Le cinéaste a beaucoup à offrir dans cette forme surréaliste et pleine d’illusions, où l’abstraction participe au développement des personnages.

Le soucis est que le film use beaucoup trop des motifs de répétitions. Il tente d’être une comédie à plusieurs reprises, mais il cabotine à cause de son côté thriller qui prend toute la place. De ce fait découle une flopée de situations / scènes attendues. Les retours incessants dans le passé sont en roue libre et sont davantage comme des vignettes, que comme une succession logique d’idées. Après chaque scène d’interrogatoire, le montage ne permet pas de revenir à une idée précédemment utilisée. La progression de l’intrigue (dans le passé du protagoniste) se fait par des moments picorés ici et là, avec de grandes ellipses. Le film reste plutôt sympathique en soi, et même intéressant par son approche, mais il s’égare dans un effet épisodique désordonné.

Pourtant, le surréalisme est rejoint par une mise en scène de l’absurde. Le cinéaste arrive à exposer durablement l’incongruité de certains comportements entre personnages. Le protagoniste est très rapidement perdu dans ses actions et ses idées, et ne sait comment s’en sortir. C’est là que le professeur (toujours excellent Lambert Wilson) devient le mentor du recadrage par l’absurde. C’est là que la mise en scène discrédite ses personnages (sans exception) à la fois par une mise en scène chorégraphiée, puis par des corps qui reviennent sans cesse au point de départ. Comme si chaque sensation est dans une boucle infinie, avant l’inévitable anéantissement.

3.5 / 5
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