Layla Fourie

« Afrique du Sud. Dans une atmosphère étouffante de méfiance, de mensonges et de peur, Layla Fourie, une mère célibataire de 27 ans, devient la suspecte d’un meurtre intervenu le jour de son arrivée dans un casino où elle prend un nouveau poste. »

Comme le disait la réalisatrice Pia Marais après le débat, le film se déroule dans une période post-apartheid. Mais lors de l’écriture du film, il n’y avait aucune intention d’en faire un thème. Même s’il y a plusieurs résonances par rapport à cela dans le film. On notera les systèmes de sécurité pour les plus riches, pour se protéger de la pauvreté. On mentionnera aussi la peur de la bourgeoisie envers la classe moyenne. Dans le fond, le film prendra ses marques sur ces sujets.

Pia Marais, dont c’est le troisième long-métrage, montre un sens exquis du cadre. Le geste est millimétré, elle sait vers quoi elle veut aller. Il suffit de remarquer les mélanges de couleurs chaudes et froides, contraste constant dans les plans. Et son cadre, par les limites de champs qu’elle s’impose, capture ce sentiment d’insécurité et cette sensation de peur. Entre paranoïa et dissimulation, la peur et l’insécurité forment une spirale mensonges.

Bien que le montage laisse à penser à une forme de cycle infini, Pia Marais saura porter son thème jusqu’au bout. Dès la première scène, avec ce test de vérité, prouve encore l’insécurité et la peur. Mais cela s’inscrit dans un manque de confiance en son intuition propre. De là, on repense aux séquelles de l’apartheid. Mais cela n’est plus ni moins qu’un gros travail sur les personnages. De la mère à son fils, du policier à sa belle-mère, chaque développement vaut la peine de montrer les relations complexes entre chacun d’entre eux.

L’ambiance du film sera tout le temps sur cette tension. Nous ne sommes pas vraiment dans un thriller, mais le film relève plutôt du drame. Car il y a une part intimiste à voir. La relation (qui ne tient que sur un fil) entre la mère et son fils est un élément capital à l’intrigue. Sans cela, le film n’aurait pas une sorte de tendresse à l’image. La lumière viendra toujours illuminer ses personnages, et cette tendresse parent/enfant apportera un vent de pureté à la réalisation de Pia Marais.

Outre cette tendresse, c’est le suspense qui prime, et qui est le plus visible. Le film se range notamment du côté psychologique. Car toute la tension arrive des esprits des personnages. Une ambiance pesante (dans une vision positive) où le spectateur ne sera pas forcément à l’aise. Le plus formidable avec cette tension, c’est la manière de l’avoir transposée. Déjà, il faut signaler la chorégraphie toute en noirceur des acteurs : leurs placements sont ajustés au paysage, où ils se fondent comme une classe dans la société.

Mais surtout, on remarque que la tension est à chaque fois amenée par un travelling. Pas brut, ni trop lent, mais exactement ce qu’il faut pour donner le suspense nécessaire. Dès que la situation dramatique est installée, on se concentre sur la réaction des personnages. De là, la tension se traduit par des gros plans sur les acteurs. Ces gestes sont d’une justesse incroyable, où Pia Marais rend grâce aux jeux de ses acteurs.

Enfin, il y a quand même une petite faille dans la narration. Autant le montage est agréable, autant le rythme imposé par le scénario est difficile à saisir. En effet, dès que la réalisatrice s’installe dans le non-dit de la peur, du manque de confiance et de l’insécurité, elle ne va pas chercher à aller plus loin. Elle fera dérouler ses scènes dans une linéarité trop marquante. Le portrait de la société sud-africaine moderne n’en reste pas moins intéressant.

3.5 / 5
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