JSA – Joint Security Area

Une fusillade a lieu dans la Zone Commune de Sécurité entre les deux Corées. Deux soldats nord-coréens sont retrouvés morts. Cette affaire cause un incident diplomatique, au point qu’une enquêtrice suisse vient prendre l’affaire. Mais tous les témoignages ne coïncident pas, et l’affaire s’enlise. Même si le film ne sort en France que dix-huit ans après sa sortie en Corée, il reste terriblement d’actualité et son regard est toujours aussi bouleversant. Non sorti en France après sa production (le film date de 2000), JOINT SECURITY AREA bénéficie aujourd’hui d’une version restaurée 4K. Déjà un très bon argument pour aller découvrir un film de Park Chan-Wook sur grand écran. Là où le cinéaste ne se noye pas dans la multitude de productions sur le conflit coréen, c’est parce qu’il réussit à l’explorer sous le regard intime (de ses personnages) et comme un drame national intemporel.

Ce qui rend le film si fascinant dans son sujet, est que Park Chan-Wook ne creuse pas le conflit, il ne l’alimente jamais. Il se concentre à développer des personnages complexes, images parfaites de la complexité du conflit. Le cinéaste ne fait donc pas d’opposition bien et mal, il étudie les relations et comportements humain-e-s à l’intérieur d’un drame à la tension forte. S’éloignant du schéma de film de crime traditionnel, s’éloignant également du schéma classique des thrillers, JOINT SECURITY AREA expose une narration basée sur deux idées : un travail sur la temporalité (de nombreux flash-back) et un échange des points de vue (certaines scènes reviennent, mais contées différemment). L’objectif est donc de résoudre le mystère par l’évolution psychologique et comportementale des protagonistes. Ainsi, le temps s’affiche selon l’évolution des rapports entre les protagonistes. D’où la fabuleuse longue séquence de rapports amicaux entre deux soldats sud-coréens et deux soldats nord-coréens, légère et pleine d’audace.

Autour de cette longue séquence, gravite surtout une sensation de tragédie collective. D’un côté comme de l’autre, l’ambiance est lourde et le hors-champ pèse sur les comportements. Avec un cadre géométrique qui laisse place à l’imaginaire, où la séparation des deux Corées n’est plus qu’un drame intime, Park Chan-Wook réussit à mettre en miroir les deux points de vue. Parce que cet imaginaire, cet espoir construit comme un rêve, est pour le cinéaste de mettre en scène une alternative entre guerre et paix. En créant de nombreux raccords entre les deux points de vue, chaque comportement a une réponse dans l’autre « camp ». Grâce cela, le cinéaste réussit à nuancer et faire évoluer sa mise en scène, mais aussi à préserver un certain mystère et une humanité via son montage. La longue séquence d’amitié n’est au milieu du film pour rien : au-delà du travail sur la temporalité, JOINT SECURITY AREA est un pamphlet anti-militariste et anti-guerre.

Dès que le cinéaste développe des scènes concernant l’enquête, il s’empresse de stopper la progression et de brouiller les pistes. Le côté thriller du film est une grande simulation, celle où le conflit révèle son absurdité et où les personnages ne deviennent que les rouages d’une partie d’échec. Park Chan-Wook exprime très bien son principal intérêt via le regard humain avec une esthétique forte. Dans sa longue séquence amicale et humaine, le film fait preuve d’une photographie chaleureuse mais également onirique. Parce que les comportements de cette séquence sont le produit d’un fantasme, d’un désir de paix et d’humanité. Autour de cette séquence, le cadre est moins intime et serré, le cadre captant davantage les grands espaces et leur façon d’être un dangeur permanent. N’ayons pas peur de le dire, JOINT SECURITY AREA est un thriller qui préfère la poésie des rapports humains, qu’une esthétique de mystère. A plusieurs reprises, le film fait même preuve de légèreté par de l’humour dans les dialogues (d’où l’esthétique onirique), tout en arrivant à livrer des images chocs de la tragédie intime inscrite dans la dure réalité.

JSA – JOINT SECURITY AREA
Réalisé par Park Chan-Wook
Scénario de Park Chan-Wook, Seong-san Jeong, Hyeon-seok Kim, Mu-yeong Lee
Avec Song Kang-Ho, Byung-Hun Lee, Yeong-ae Lee, Shin Ha-Kyun, Tae-woo Kim, Kim Kwang-il, Herbert Ulrich, Christoph Hofrichter
Pays : Corée du Sud
Durée : 1 h 50
Sortie française : 27 Juin 2018

4.5 / 5