Gone Girl

David Fincher, cinéaste virtuose et d’une précision redoutable, nous revient et c’est une bonne nouvelle. Pour le cinéma, pour le bilan annuel et pour ce qu’il propose. A mi-chemin entre ses thrillers sombres (un genre où il aurait pu rester) et sa revisitation de l’Amérique d’aujourd’hui, GONE GIRL c’est une équation toute Fincher-ienne. Une pincée de ZODIAC pour l’enquête, un parfum de PANIC ROOM pour l’histoire en quasi huis clos familial, une once de SOCIAL NETWORK pour mieux cerner l’aspect médiatique : Fincher est dans son élément dans cette histoire d’apparences, de jeux de miroir et de déconstruction de la société américaine.

GONE GIRL, comme son nom l’indique (si vous êtes bilingues), est une histoire de disparition. Celle de Amy Dunne, épouse de Nick (le monolithique, et parfait pour ça ici, Ben Affleck), l’image même de l’épouse modèle, assez moderne pour être indépendante mais trop enfoncée dans un carcan familial traditionnel pour rêver à une totale liberté. La petite fille de l’Amérique parfaite, image fantasmée d’une série de livres publiés par ses parents, celle qu’on met dans la lumière pour les soirées promotions avant de la laisser dans un placard. L’ironie est totalement présente ici, Fincher jouant autour du couple phare, de la recherche aux premières suspicions, aux superpositions de la vraie enquête à celle de Nick lancé sur les traces de sa femme. Avec plus d’humour qu’à l’accoutumé, Fincher s’efface pourtant derrière un récit millimétré visuellement. Ne perdant pas une seconde de son talent pour l’image, le cinéaste sait ici ne pas trop en faire, et offre un grand spectacle (peut être un poil long) dans un cadre typique : la suburb américaine.

SPOILERS pour la suite… (surligner pour lire)

Et de cette histoire, adaptée d’une nouvelle de Gillian Flynn, Fincher se l’approprie pour y replacer un malaise. Celui d’un couple en difficulté (la réalité de la crise économique, le terrible quotidien…), d’une tendance au spectacle hypocrite (les reporters en mal de scoop, la volonté d’exister à travers l’écran), et finalement cette impression de voir le personnage central n’être que la victime de son propre désintérêt. L’ironie toujours, celle de voir l’héroïne (Rosamund Pike, froide mais magnifique comme jamais) poser son propre piège pour être à nouveau piégée ensuite, par accident. GONE GIRL joue des apparences, des non-dits, malgré ses promesses (de mariage, de choix aux policiers). Personne n’est totalement innocent, ni totalement coupable. Souvent les deux, comme les passages des seconds rôles (Neil Patrick Harris, Emily Ratajkowski…) tour-à-tour amis, amants, manipulateurs, comploteurs, victimes.

La dernière partie, perfide, rejoue le film en lui-même. Le couple réuni, pour de bon, se doit de faire bon gré mal gré. Celle dont le reflet public ne montre pas tout, celui qui se réveille enfin sans trop savoir quoi faire, se doivent de cohabiter. Comme une punition reçue, la conséquence fatidique d’une vie de péchés sociaux, les voilà à devoir se supporter. Quelques notes de second degré, beaucoup de réussite côté formel, David Fincher propose là un film dans la continuité de son travail actuel, celui d’une vraie observation cynique de l’Amérique moderne, et nous régale d’un film noir au fond, lumineux au premier plan. Un jeu de miroirs avec une seule leçon : les apparences sont trompeuses.

5 / 5