De la terre sur la langue

Festival du Film d’Amiens 2014

Écrit et Réalisé par Ruben Mendoza. Avec Richard Cordoba, Gabriel Mejia, Alma Rodriguez. 86 minutes. Colombie. Date de sortie inconnue.

Dans le synopsis, on peut trouver les termes suivants : malade, condamné, tuer, léguer, sauvagerie, agonie. Avec cela, il y a de quoi éprouver des craintes concernant une ambiance malsaine facile. Ruben Mendoza a su tromper le spectateur, et livrer un film assez singulier, qui n’affronte pas la mort avec cruauté, angoisse ou tragédie. Au contraire, le cinéaste filme la vie qui reste avant la mort sans mélancolie ni froideur. Nous sommes plutôt embarqués dans une sorte d’aventure palpitante dans les derniers instants. Ruben Mendoza aime beaucoup les corps de ses comédiens, et leurs rapports les uns aux autres est centrale dans ce film.

Avec sa caméra, le cinéaste colombien va scruter les corps de ses personnages avec délicatesse. Par de légers travellings décrivant les corps, le film dégage une certaine tendresse qui porte haut l’amour entre les êtres. Tant que la petite flamme à l’intérieur des personnages brûle toujours, la célébration peut toujours avoir lieue. Malgré la fin annoncée du grand-père, il y existe encore une nostalgie de la vie ensemble. Profiter de chaque instant pourrait être le sous-titre du film, tant les corps paraissent voués à une liberté totale.

Dans sa mise en scène, Ruben Mendoza lâche complètement l’énergie que contient ses personnages. Comme si les muscles se détendent, et que l’éternité s’offre aux personnages. Les attitudes des comédiens est à souligner, tant dans leurs allures que dans leurs gestuelles. Aux regards multiples préférant la joie à l’apitoiement, les personnages se situent entre l’incarnation lourde et noire, puis l’exigence de la grâce de l’âme par le défoulement. Dans tous les plans, les personnages sont livrés à une esthétique bien rigoureuse. Le noyau central de cette esthétique serait les quatre éléments.

Tout d’abord, on doit noter l’incroyable utilisation de la lumière. L’élément du feu se caractérise par la lumière, que ce soient le soleil, les lampes, les torches ou les feux d’artifice. Une idée réunie ces différentes façons de voir le feu/la lumière : celle de l’extinction. Avec le thème de la mort qui se rapproche, le film voit sa lumière s’éteindre peu à peu. Du moins, on devrait plutôt parler d’assombrissement constant. Même si le plan final vient pointer un moment de spiritualité dans la mort avec son coucher de soleil. Ensuite, la terre est certainement le premier élément important dans le film. Deux idées reviennent constamment dans le film : Ruben Mendoza utilise la terre comme la boue où l’humain vient s’enliser par toute sa vie, et l’utilise également comme la source de nos âmes où la connexion est plus spirituelle qu’on le pense.

D’un autre côté, l’eau vient aussi jouer un rôle dans le film. Plus mineur, mais bien présent ; l’eau est comme cette substance qui refait battre le cœur. L’eau est cet élément qui emporte le souffle de vie vers l’éternité, vers un état de grâce permanent. Enfin, l’air prend une place surtout formelle dans le film. Même si l’élément de l’air n’a pas de réel impact sur les situations des personnages et leur rapport à la nature, le vent reste présent de chaque plan. Comme une bouffée d’oxygène en plus, qui donne de l’énergie aux corps des personnages.

Côté narration, il y a un petit quelque chose à dire. Parce que le film se base beaucoup sur sa valeur esthétique et l’importance de sa mise en scène, pour justement justifier l’évolution de ses personnages. Même si la progression est assez simple, elle vaut surtout pour l’épuration du texte. Ceci vient laisser donc place à une sorte de contemplation (pas totale, avec l’énergie débordante des personnages), dont le découpage est réfléchi pour accompagner les personnages dans la délicatesse du sens de la vie. Sans sentimentalisme ou compromis.

4.5 / 5
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