Chevalier

Réalisé par Athina Rachel Tsangari.
Écrit par Eftimis Filippou.
Avec Yorgos Kentros, Panos Koronis, Vangelis Mourikis, Papadimitriou Makis, Yorgos Pirpassopoulos.
Grèce – 99 minutes – 2015
Festival de Cinéma Européen des Arcs 2015 : compétition.

Comme l’a indiqué la cinéaste lors de la présentation avant le film, il s’agissait d’une aventure et d’une expérience entre elle et ses comédiens. En effet, le long-métrage ne met en scène que des hommes (neuf au total) et sur un bateau. Toute la durée du film se concentre à l’intérieur de ce bateau où l’équipage doit patienter avant le retour à Athènes. Pour tuer l’ennui, ils décident de jouer à un jeu qui élira le meilleur des hommes : ils se noteront mutuellement sur tout. Les amis deviennent des rivaux, et les rivaux s’acharnent.

Ce qui donne un ton comique au film, c’est que dans le jeu, tous les comportements et toutes les paroles seront comparés, jugés et notés. La comédie se tient alors par l’absurdité, où les détails les plus insignifiants du comportement d’un homme sont observés. Cela donne des moments de grand plaisir, où le rire et le sourire apparaissent, parce que l’acharnement des personnages prend des allures d’obsession folle. Quand une chanson est détruite par un rondouillard et un autre qui agite des lumières derrière, quand un ronflement ou un rôt choquent les autres, quand l’un veut faire un pacte de sang, quand il s’agit de nettoyer les vitres ou l’argenterie, ou alors de monter seul une étagère, … : tout est prétexte au bouleversement des attitudes habituelles des personnages.

Au sein de cette mise en scène comiquo-absurde, le film de Tsangari (précédemment réalisatrice de ATTENBERG) propose une approche très vivante à son cadre. En accompagnant tout le temps ses comédiens, que ce soit en solitude ou en groupe, la caméra accumule les angles de vue et les champ / contre-champ, pour ainsi apporter un regard dérisoire sur les attitudes de ses personnages. La caméra aime ses personnages, et ça se voit dans le montage, qui les considère tous au même statut. Le meilleur homme n’existe alors pas, mais chacun porte l’espoir de le devenir. A tel point que le vainqueur ne sera pas dévoilé, seuls les mains seront cadrées en gros plan et dans le flou. Le cadre préfère donner l’élan nécessaire à ses comédiens pour créer l’absurdité dans la mise en scène.

Avec un tel élan, il y a une certaine spontanéité dans les attitudes des comédiens. Mais surtout, la diversité et multitude des angles de vue permet de jouer avec les corps dans l’espace réduit du bateau. C’est là que le long-métrage dévoile toute sa possibilité dans l’absurdité qu’il traite : les corps sont soumis à une vaste chorégraphie. Celle-ci se positionne sur la recherche de la satisfaction : elle permet alors de créer une endurance et une spontanéité des comportements, peu importe les ellipses. Parce que les corps ne subissent pas la temporalité, au contraire ils la façonne. C’est sur la durée que les corps font progresser leur chorégraphie et leur espoir.

Sauf que la progression n’est qu’un trompe l’oeil. Que ce soit sur le ton comique, sur la mise en scène absurde ou sur le montage chorégraphique des corps : le long-métrage prend le parti de rester stable dans son approche. Cela cause un gros problème au film, puisqu’il n’évoluera jamais autant que ses personnages s’acharnent. L’enrobage formel du film tend à garder ce mystère du résultat, et étire ses attitudes et ses plans jusqu’à la répétition. Après tout, le long-métrage fait passer un bon moment amusant, mais ne casse pas trois pattes à un canard.

3 / 5