Chala, une enfance cubain, regard sur un pays en devenir

Écrit et Réalisé par Ernesto Daranas
Avec Armando Valdes Freire, Alina Rodriguez, Amaly Junco, Armando Miguel Gomez, Yuliet Cruz, Miriel Cejas, Silvia Aguila, Idalmis Garcia
Cuba
100 minutes
Sortie le 23 Mars 2016

Chala, jeune cubain, malin et débrouillard, est livré à lui-même. Élevé par une mère défaillante qui lui témoigne peu d’amour, il prend soin d’elle et assume le foyer. Il rapporte de l’argent en élevant des chiens de combat. Ce serait un voyou des rues sans la protection de Carmela, son institutrice, et ses sentiments naissants pour sa camarade Yeni… En dehors de cette protection et de cet amour, il est sans cesse confronté à la loi du plus fort de la rue, mais surtout à l’initiation au monde adulte.

Le film de Ernesto Daranas peint le portrait d’une société assez méconnue, là où une marée d’austérité fait rage à chaque coin de rue. Les espaces sont comme des gouffres desquels il paraît impossible de sortir. Il s’agit d’une prison qui absorbe toute dignité : il faut voir comment les personnages doivent toujours se défendre de leurs actes. La liberté est restreinte, influant sur le comportement de chacun. Chaque coin de la ville paraît comme un défi supplémentaire pour les personnages, où la survie se paie aussi bien en monnaie que physiquement. La douleur est partout : dans les attitudes brutales et radicales, ainsi que dans le regard des autres.

Pour apporter davantage de tendresse, de naïveté et d’insouciance face à ces difficultés, le long-métrage adopte le point de vue des enfants. C’est leur fougue qui dicte les mouvements, qui fait de la caméra un témoin remarquable face à ce manque de bonheur. L’environnement des enfants est toujours bousculé, bouleversé par les adultes qui apportent la rigueur et les règles. Cependant, les enfants vont dicter leurs propres lois et leur fougue détermine le ton du film, entre les découvertes et l’initiation.

Parce que le film est avant tout un récit d’initiation pour ces enfants, qui ne sont pas invités dans le monde adulte, mais qui n’ont d’autre choix que s’y incruster. C’est ce qui fait la force du film : le mélange entre le monde adulte et l’univers de la jeunesse. C’est là que le cadre est important, il englobe une ambiance unique qui cause la perte de l’enfance. En effet, l’esprit de la jeunesse se volatilise petit à petit, où les enfants sont déjà vus comme les adultes de demain. A force de revenir dans les mêmes espaces, dans des situations toujours plus compliquées, c’est l’innocence qui s’égratigne pour devenir la frénésie douloureuse du monde adulte qu’ils côtoient.

Pourtant, il semble y avoir un remède à cette perte de l’esprit de la jeunesse, à cet abandon de l’innocence. Il se nomme l’affection, ce que le récit et la caméra ne cessent de montrer le manque. Le peu qu’il en reste dans les scènes, sont les moments les plus poignants du film. Parce qu’ils en reçoivent que trop peu, alors les enfants construisent leur propre affection entre eux et envers leur passions. Bien que souvent unilatérale, cette affection se révèle être le remède qui calme l’ambiance noire du monde adulte. La caméra, agissant parfois comme l’amie des enfants, est la mise en valeur de ceux-ci. Ainsi, l’affection prend toute sa valeur lorsque les enfants semblent dans une impasse.

4 / 5