La brigade des bérets noirs

LA BRIGADE DES BÉRETS NOIRS est l’un des quelques films de Terence Young qui font comprendre pourquoi il a été choisi pour réaliser le tout premier James Bond (DR. NO, 1962). Dès le premier plan où des tanks surgissent de l’arrière-plan, le cinéaste montre son grand intérêt pour l’espace : il est possible de comparer ce plan avec la sortie d’Ursula Andress de l’eau dans le James Bond, tant l’aspect hypnotisant est fort. Sauf qu’ici ce n’est pas de l’eau qui décolle, mais c’est la possession de la machine sur l’espace désert. Idée renforcée par les coups de canons, provoquant des explosions qui effacent l’esthétique, cache le paysage et balaye la terre. Il n’est pas anodin de voir une telle violence, une telle chorégraphie musclée du combat dans les premiers plans du film. En effet, Terence Young tient dès le début à exprimer le courage / la force / le héroïsme de ses personnages. Ou comment mieux décrire le caractère de personnages, lorsqu’il s’agit d’un film au contexte de guerre.

Les protagonistes de LA BRIGADE DES BÉRETS NOIRS ne sont peut-être pas assez développés individuellement, mais leur collectif fonctionne aussi bien que dans LES CANONS DE NAVARONE (Jack Lee Thompson, 1961). L’important n’est pas d’approfondir leur histoire personnelle, mais que le commando soit le bélier qui ouvre chaque porte / obstacle. Démonstration faite dans la première demi-heure du film, puisque la fuite individuelle conduit à se faire piéger, jusqu’à l’emprisonnement dans un camp. Cet espace cloisonné et isolé (puisque l’arrière-plan est désormais imperceptible) est le moyen de créer une prospection parmi les prisonniers. Par de nombreux plans rapprochés, Terence Young sélectionne ses personnages afin de composer le commando. C’est donc par des mouvements de caméra et des champs/contre-champs, reliant des personnages à des autres, que le commando se crée.

Une fois évadés, puisque le film se repose sur une chasse à l’homme, le commando part dans un semblant d’aventure. Avec des espaces grands ouverts, Terence Young explore le film d’aventures grâce aux espaces. Il s’agit donc moins d’un récit de guerre, qu’une exploration de paysages. Exactement comme dans LAWRENCE D’ARABIE de David Lean (1962), où le désert et le soleil sont des personnages principaux, presque matérialisés, Terence Young crée un jeu de l’espace. Le travail s’effectue constamment autour de l’avancée, en plans larges ou moyens, d’une extrémité à l’autre du plan ou vers l’arrière-plan, pour signifier que la guerre est d’abord une aventure spatiale. Comme si, grâce au montage, il est question de balayer les plans précédents pour s’immiscer dans l’inconnu afin d’y survivre.

Mais plus important encore, ce balayage est la métaphore de la chasse. Le hors-champ spatial, l’inconnu, le cloisonnement sont les véritables ennemis des protagonistes, car ce sont dans ces lieux que se situent les personnages rivaux. Chaque camp, chaque maison / bâtiment, chaque dune, chaque mur de pierres, … représentent le danger ; tandis que les plans larges sur les paysages (avec des mouvements de caméra plus lents, moins brutaux) représentent l’espoir et la progression. Cependant, le cinéaste n’a pas oublié la gestion temporelle de l’aventure. Lorsque le temps est abstrait, les mouvements (que ce soit de caméra ou des comédiens) profitent au commando. Mais lorsque le temps est une donnée concrète, exprimée par un assoupissement / un ennemi qui sonne à la porte avec insistance / des ennemis qui montent progressivement les escaliers / etc, celui-ci semble s’arrêter pour le commando. Comme si, avec la valeur temporelle, la mise en scène et le montage écrasent ou étirent l’espace. A travers cette grande définition de l’espace, Terence Young exprime un langage de l’aventure.

LA BRIGADE DES BÉRETS NOIRS de Terence Young.
Avec Victor Mature, Leo Genn, Bonar Colleano, Anthony Newley, Alfred Burke, Richard Marner, Martin Boddey, Percy Herbert, Kenneth Cope, Sean Kelly, David Lodge.
Royaume-Uni / 95 minutes / 1958

4.5 / 5