[Interview] 4 questions à Frédéric Josué (président Uni-VR) sur la réalité virtuelle à la française

Alors que le monde de la réalité virtuelle a trouvé un nouveau rendez-vous d’importance au South by Southwest, ce sont bien les français qui sont au rendez-vous texan avec de nombreuses start-ups présentes sur place. Réunissant différents professionnels de ce secteur en pleine révolution, le thinktank UNI-VR a répondu au rendez-vous pour faire avancer les réalités immersives vers les professionnels et le public. Rencontre avec son président, Frédéric Josué.

Un an après votre création, les signes d’un succès public de la VR semblent encore timides, comment l’analysez-vous au sein du thinktank ?

Les mondes immersifs, VR AR sont des concepts et des outils relativement anciens. Déjà en 1940 le Viewmaster permettait d’appréhender la VR voire même dès 1792 avec le Rotunda Building de Robert Baker. En marge de l’appétence de la presse pour les innovations, 3D, IOT et autre big data, c’est une certaine maturité puis convergence des technologies qui autorisent à ces sujets de passer de la recherche, au B2B puis progressivement jusqu’au B2C. Les CPU, GPU, le Débit Internet, la miniaturisation sont aujourd’hui suffisamment avancés pour permettre des expériences de réalité virtuelle tout à fait satisfaisantes. Pour autant on en est encore au Logo, ou au Fortran, d’un point de vue technologique. Il en est de même de la grammaire narrative où l’on passe d’une narration linéaire à des logiques immersives où la capacité à créer des mondes est essentielle. Les chiffres sont certes prometteurs, on parle d’une base d’utilisateur de 170millions en 2018, des livraisons de casques à hauteur de 55 millions par an dès 2021… mais n’oublions pas qu’Apple prévoit de vendre 200 millions d’iPhones par an… Il faudra sans aucun doute 5 ans à la VR avant d’être grand public. Mais jamais une technologie n’aura autant utilisé ses consommateurs comme bêta-testeurs! C’est un fait important à noter du point de vie des logiques collaboratives et de la « user innovation ». Nous avons le sentiment que les enfants et futurs VR-natives, ceux-là mêmes qui feront corps avec la technologie, seront ceux qui démocratiseront la VR et généraliseront les nouvelles formes de médiation augmentées. Comme l’a dit Roy Taylor de AMD « it’s not going to be big, it’s going to be everything ». Mais pour cela, nous aurons certainement besoin de deux éléments-clés : l’indépendance, afin de vivre de vraies expériences VR sans fil – Facebook a annoncé y travailler lors du dernier Oculus Connect –, et la miniaturisation, afin de rendre les casques moins invasifs – le Daydream View de Google, élaboré en collaboration avec des stylistes de vêtements, en est une première étape.

Les idées et concepts que laissent imaginer la VR, l’AR & les réalités mixtes semblent infinis, est-il évident de concevoir un socle de discussion commun à tous les professionnels du secteur créatif ?

En matière de création, le socle de discussion commun est à rechercher du côté de l’utilisateur final, si on accepte une logique de marché économique orienté « Demande », centrée sur le spectateur. Ainsi, à mon sens, la principale aspiration humaine, si l’on met de côté se nourrir, est le souhait de se divertir par les récits et le jeu. La VR dont le principal bénéfice est la démocratisation de l’expérience, au travers de l’empathie et de l’émotion, livre alors un terrain fantastique aux artistes pour satisfaire ces besoins. Plus que jamais, proche de l’utilisateur final, le monde virtuel devient un espace de co-création, ie une oeuvre partagée entre le créateur et le spectacteur qui apporte son « point de vue ». Pour autant si la VR veut convaincre, elle devra être plus narrative. Le modèle de financement mais surtout de distribution des industries culturelles françaises n’aide pas, mais c’est un autre débat. Concernant l’AR, elle peut trouver son socle commun dans ce que l’on appelle les Smart Cities, ces villes « ultra connectées » qui autour de 2020 seront équipées de plus de 50milliards d’IOT, comme de capteurs et d’émetteurs. Ainsi la ville, ses places, ses commerces, ses bâtiments seront autant d’espaces de jeux et de médiation pour pratiquer, pourquoi pas, des escapes games. Pokemon Go a dépassé le milliard de benefices en 7 mois ! Mais là aussi l’AR dépasse le domaine du jeu et trouvera son salut dans l’industrie, comme le transport où la construction.

UNI-VR.ORG

Chaque jour, nous sommes plus nombreux…Merci à Agat Films & Cie – Ex Nihilo x Arte x Innerspace VR x Camera lucida productions x Fisheye Magazine x RIG by DVMobile x AC3 Studio x Red Corner x Neotopy x Bemersive & Okio-Studio- Uni-Vr Music by Gabriel Guerin FX + Editing by Nicolas Bourniquel

Publié par Uni-Vr sur dimanche 12 février 2017

The Venture Reality Fund a diffusé il y a quelques jours un panorama des entreprises européennes du secteur, est-ce que pour vous la France est en bonne position dans ce paysage ?

Avec 590 levées de fond en 2016 en deep tech (AI, Machine Learning et Big data) la France est leader sur les secteurs essentiels des économies du futur. La VR se nourrit de ces technologies pour augmenter les médiations dans l’industrie des services, comme la banque par exemple mais également en matière de santé. The Venture Reality Fund l’a souligné, nous sommes un marché leader sur la VR également, avec l’Angleterre, la Suède et l’Allemagne. Forts sur le Hardware, le software mais surtout, même si c’est une industrie moins capitalisée, sur les industries culturelles. Si elles représentaient 75 milliards d’euros pour l’hexagone selon une récente étude de E&Y, elle ne va pas du jour au lendemain basculer dans la VR. Mais les artistes et producteurs français soutenus par de superbes techniciens raflent un nombre impressionnants de prix dans les festivals les plus prestigieux

Novelab, dirigé par Amaury La Burthe et Gregoire Parain, sont ainsi très forts sur le Smart storytelling & l’interactivité avec des compétences bluffantes en son 3D, composition, sound design, spatialisation et son binaural. Avec Arnaud Colinart, ils ont gagné un très grand nombre de prix pour « Notes on Blindness ». Ce mois-ci, ils sont à SXSW en finale contre Tilt Brush pour les Interactive Innovation Awards !  Voir absolument “Kinoscope : A VR journey into the World of Cinema”.

Parmi les acteurs français, InnerspaceVR est ce qui se fait de mieux en animation temps réel en France, ils sont dans le top mondial, avec une vraie reconnaissance internationale et des prix majeurs récoltés en Europe, aux USA et en Asie. Surtout ils sont totalement VR-natifs. Que je sois aux USA, au Canada ou en Chine, c’est un des studios dont le nom revient régulièrement. Tant mieux : au travers d’InnerspaceVR, c’est la VR et la création hexagonales qui rayonnent !  Ils ont été incubés dans notre lab 18havas.io et viennent de rentrer dans le top10 des meilleures startups de Los Angeles.

A moyen terme, quelles sont les priorités d’Uni-VR : prochaines actions à mener, rendez-vous à organiser ?

Nous venons de signer des partenariats avec de grandes écoles doctorales pour encadrer nos collèges. Plus que jamais, il est important de structurer cette filière culturelle en lui apportant des informations à la fois rationnelles et utiles. Nous venons de réaliser un film qui fait la promotion de nos membres et soutien cette nouvelle forme d’expression qu’est la VR pour le grand public.

Nous créons une plateforme d’appels d’offres pour faciliter l’accès de nos membres aux marchés et faire tourner les propositions qui ne peuvent, faute de ressources, être retenues par certains. Notre combat à venir, face à des mastodontes américains qui déploient leur offres sur plus de 200 pays, dont les capitalisations boursières se comptent en centaines de milliards, est de vanter et défendre l’entreprenariat français du storytelling immersif (VR/AR/MR) dans sa maitrise de la création, des technologies, comme du business. Nous le faisions au CES de Las Vegas en janvier, dans tous les grands festivals européens et aujourd’hui à SXSW Austin au Texas.

Merci à Frédéric Josué & Antoine Cayrol.