Vous avez dit "bulle" ?

Valorisation des start-up, entre prestige et vanité

Le rachat de LinkedIn par Microsoft pour 26 milliards de dollars annoncé le lundi 13 juin représente la plus grosse transaction de ces dernières années dans le secteur. Comment des start-up parviennent-elles à obtenir de telles valorisations ? Quels sont les procédés permettant de les gonfler ? Assiste-t-on à la formation d’une bulle ?

Comment la Silicon Valley est-elle née ?

La Silicon Valley est une région située dans le baie de San Francisco (Californie). Elle doit ce surnom (vallée du silicium) au grand nombre d’entreprises spécialisées dans les semi-conducteurs et l’informatique qui s’y sont installées à la fin des années 1960. Plusieurs petites municipalités de la région sont connues pour héberger le siège de géants technologiques : Mountain View (Google), Cupertino (Apple), Palo Alto (Facebook), Santa Clara (Intel), etc. La zone attire également les grands fonds de capital-risque, comme Sequoia Capital ou Accel Partners, qui assurent le financement des entreprises avant leur introduction en Bourse.

Qu’est-ce que la bulle Internet ?

C’est une bulle spéculative qui a affecté les entreprises technologiques à la fin des années 1990 et au tout début des années 2000. L’émergence d’Internet a suscité de nouvelles vocations. Quelques introductions en Bourse spectaculaires ont suffi à provoquer un afflux d’argent dans le secteur donnant lieu à une surévaluation générale des sociétés. Le 10 mars 2000, le Nasdaq, l’indice boursier des nouvelles technologies américaines, atteint un pic avant de chuter brutalement. Tandis que les financements se retirent, la plupart des start-up périclitent, faute d’avoir construit un modèle économique viable. Amazon, eBay, AOL, Google ou Yahoo ont survécu à cette période, tout comme Free, Meetic ou Allociné en France.

Comment la valeur d’une entreprise est-elle déterminée ?

Cette valeur est reflétée par le cours de l’action pour les sociétés cotées. En cas de rachat, le repreneur potentiel formule une offre publique d’achat (OPA) pour informer les actionnaires qu’il se porte acquéreur de l’ensemble du capital. Il dépose un dossier auprès du gendarme financier (la SEC aux États-Unis ou l’AMF en France) et propose un prix par action. Ce montant est généralement plus élevé que le cours actuel afin de séduire les actionnaires. Par exemple, Microsoft a payé 192 dollars pour chaque action LinkedIn, un prix supérieur de 49 % au dernier cours de clôture de la société.

Comment Microsoft justifie le montant déboursé pour LinkedIn ?

Le rachat du réseau social professionnel s’inscrit dans une stratégie de recentrage de l’activité de Microsoft vers les entreprises. Microsoft peut considérer qu’il fait une bonne affaire, car les actionnaires ont accepté un prix bien inférieur à son plus haut niveau historique (l’action était à 270 dollars l’an dernier). Facebook avait aussi surpris en 2014 en dépensant 20 milliards de dollars pour le service de messagerie WhatsApp. Aujourd’hui, cette acquisition lui permet d’être présent dans des zones géographiques où le débit Internet est trop faible pour son réseau social (Afrique notamment). Depuis, le cours de l’action Facebook a doublé.

Comment évaluer la valeur d’une entreprise qui n’est pas cotée en Bourse ?

Uber, mais aussi Airbnb, Snapchat, Pinterest, Dropbox, Spotify, Jawbone, Slack ou encore BlaBlaCar ne sont pas cotées en bourse et ne peuvent donc pas s’appuyer sur le marché pour mesurer leur valeur. Celle-ci est alors calculée lors des levées de fonds réalisées auprès d’investisseurs privés. Début juin, par exemple, Uber a levé cinq milliards de dollars. Cet apport a été réalisé sur la base d’une valorisation de 62,5 milliards de dollars, sur laquelle les actionnaires se sont mis d’accord. Cette valorisation est liée au potentiel de l’entreprise, tel que les investisseurs le jugent.

Pourquoi de nombreux géants repoussent leur entrée en Bourse ?

Le financement par l’investissement privé offre un cadre plus souple que la Bourse : une entreprise n’a pas l’obligation de publier ses résultats et s’épargne ainsi la pression du marché par rapport à sa stratégie. Si Airbnb ou Uber étaient en Bourse, leurs cours seraient régulièrement affectés par les réglementations mises en place par les pouvoirs publics. Cette situation ne peut toutefois durer éternellement : une introduction en Bourse est obligatoire aux États-Unis dès qu’une entreprise compte plus de 2 000 actionnaires.

Pourquoi parle-t-on de « licorne » pour certaines start-up ?

Ce terme désigne une entreprise qui n’a pas encore été introduite en Bourse et dont la valorisation dépasse le milliard de dollars. Il a été utilisé pour la première fois en 2013 par Aileen Lee, une gérante d’un fonds de capital-risque. Il vise à décrire à la fois la rareté de ces entreprises, mais aussi le caractère spectaculaire et en apparence mystérieux de leur valorisation. Les investisseurs y consentent dans la perspective d’une introduction en Bourse à un niveau encore plus élevé. Le cabinet d’analyse CB Insights en recense actuellement 164 dans le monde. BlaBlaCar est l’unique licorne française. Elle pourrait être prochainement rejointe par Sigfox, une société spécialisée dans l’Internet des objets.

À quoi servent les stock-options ?

Il s’agit du droit d’acheter des actions à une date ultérieure, à un prix fixé à l’avance. Le bénéficiaire de stock-options mise sur une progression de la valeur de l’action lui permettant d’encaisser une plus-value. Cet instrument permet aux start-up d’attirer des talents en appuyant une partie de leur rémunération sur ce mécanisme. En cas d’introduction en Bourse ou de revente de l’entreprise, les salariés en ayant bénéficié peuvent tout d’un coup devenir millionnaires.

Pourquoi y a-t-il autant d’argent disponible pour les start-up ?

En 2015, les capitaux-risqueurs ont investi 114 milliards d’euros dans des start-up du monde entier, en hausse de 44 % par rapport à 2014 (données KPMG). Les États-Unis concentrent la moitié de ces fonds (1,8 milliard d’euros en France). Il faut remonter à 2000 pour trouver un tel niveau d’activité. Ces investissements sont motivés par des taux d’emprunt actuellement très bas. Beaucoup mettent en garde contre un nouvel emballement. Jim Breyer, capital-risqueur parmi les premiers à avoir investi dans Facebook, estime que 90 % de cette nouvelle génération de start-up vont voir leur valorisation revue à la baisse ou vont mourir.

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