Les 36èmes Rencontres des Trans Musicales : on y était, on vous raconte

La semaine dernière se sont tenues les 36èmes Rencontres des Trans Musicales. Le temps d’un long week-end, Rennes a vécu au rythme de la musique et de la fête. Si vous n’y étiez pas (où que vous y étiez mais que vos souvenirs sont flous et votre esprit encore embrumé) on vous raconte ce qu’on a pu voir et écouter lors des 3 soirées au parc des Expositions de Saint Jacques de la Lande.

Le jeudi et premier soir au Parc des expositions est, comme souvent aux Trans, assez calme. À 21H, je suis fraîche, débordante d’énergie. L’ambiance, elle, est encore timide, mais pas question de louper Clarens, le petit dernier de l’écurie Partyfine, dont les médias font l’éloge depuis quelques mois (une interview arrive d’ailleurs très vite sur le site). Pas de chants paillards dans la navette, pas de longue file d’attente pour accéder sur le site, l’ambiance est presque studieuse. Le concert commence timidement. Si la première moitié du concert laisse apparaître quelques faiblesses, Clarens surpasse sa peur, apprivoise la scène, et termine son set sur le très beau Pray. Une belle entrée en matière. À peine le temps d’attraper un cidre et de traverser le parc, et me voilà au Hall 3, pour aller me faire une opinion sur Courtney Barnett, dont on a pu lire des critiques dithyrambiques un peu partout ces derniers temps. Indéniablement, c’est bien fait et le public à l’air très réceptif, mais au bout de 2, 3 morceaux, je me surprend à m’ennuyer. Retour au hall 8 pour le très attendu Curtis Harding . Soutenu par un groupe impeccable , la prestation est dynamique et très classe. Mention spéciale pour le tube Keep on shining.

Petit détour par la Green Room, qui a été entièrement repensée cette année. Le DJ, désormais surélevé, joue pour une vingtaine de personnes, ça me file un peu le cafard, je ne m’arrête pas.Il est maintenant un peu plus de minuit, et Raury rentre en scène. On attendais beaucoup de ce concert, puisqu’il est la nouvelle coqueluche du rap US. On ne va pas se mentir, c’est la déception du festival. Le jeune américain hurle dans son micro, enchaîne les chorégraphies, et la violente reprise de smell like teen spirit m’achève. Le concert est aux antipodes de ses productions. Heureusement, un peu plus loin, les 3 soeurs d’A-WA hypnotisent le hall 3 à coup de chants Israéliens enivrants. À mi-chemin entre musique traditionnelle et pop énergique, les A-WA étaient la caution musique du monde de la programmation de ce jeudi soir, et c’était très réussi. Moment de grâce lorsqu’elles reprennent un chant Yéménite traditionnel juste accompagnées d’un violon.

La première soirée s’achève pour moi avec Sekuoia, jeune dj danois aux productions hypnotisantes . Son set, aérien, sublimé par deux musiciens (un batteur et un guitariste), arrive parfois à des moments d’intensités tels qu’ils me rappellent la fureur des Mogway. Pourtant, le public n’a pas tant l’air réceptif. Sans doute la faute à l’horaire tardif pour un concert qui demande peut-être de s’en imprégner pour être réellement apprécié.

Vendredi, jour deux. Un peu de courbatures, mais on fait aller. Dans le hall 9, le chanteur de Songhoy blues déclare à la foule que « le Mali et la France sont cousins » , et qu’ils peuvent donc « cohabiter ». C’est le moins qu’on puisse dire : malgré l’horaire, la magie opère, et le public danse sur leur show pertinent, alternant morceaux à rallonge et morceaux rapides. Un peu plus tard, au hall 8, Grand Blanc est électrique, intense, confirmant par l’exercice du live qu’ils ne sont pas qu’un énième groupe français dont on oubliera le nom dans quelques mois. Très attendu, le talentueux Cosmo Sheldrake joue à la perfection son rôle d’homme orchestre : samplant sa voix, bidouillant sur ses machines, il tiens seul son public sans baisser en intensité . S’en suit un détour par la Green Room où President Bongo tient les rênes. Je reste danser, dans ce monde parallèle séparé du reste du monde par ses épais rideaux verts.

À peine le temps de se rendre compte que le DJ passe la main qu’il faut déjà partir : la tête d’affiche de la soirée, Rone, s’apprête à jouer au hall 9. La soirée affichant complet, la jauge est limitée, il n’y aura pas de place pour tout le monde. Installée tout en haut des gradins, avec une vue imprenable sur le spectacle de lumière, je reste dubitative. Pour le premier live de sa tournée, le producteur français a sorti le grand jeu, avec des effets de lumières aveuglants (au sens propre du terme) et pluie de confettis, passant des morceaux mélodieux de ses opus précédents (Parade, So So So), vers des passages très (trop) violents. Les DBFC, qui jouent ce soir là leur 3ème concert, sont finalement plus convaincants. Malgré quelques morceaux pas franchement intéressants, et une caisse claire qui lâche en milieu de concert, ils tiennent leur public jusqu’à leur morceau final, le festif Leave my Room. Un peu plus tard, dans le même hall, Thylacine est également une jolie surprise. Alors qu’il est plus que temps de dormir, le Superets sound System m’empêche de rentrer. Les yéyétroniqueurs rennais, transformés en DJ pour l’occasion, s’occupaient des interplateaux de la soirée. Et ils avaient décidé que la fête n’était pas encore terminée. Pas snobs pour un sou, ils enchaînent sans complexe Beyoncé et les Pointers Sisters, pour clôturer la soirée par Africa de Toto. Un vendredi placé sous le signe de la fête, et qui fut, de mon point de vue, la meilleure des trois soirées.

Rone par Nicolas Joubard

Rone par Nicolas Joubard

Dernier et ultime jour, je n’ai plus les yeux en face des trous, les jambes qui flanchent, je pense à la mort en faisant la queue pour la navette. Mais un coup de cidre et quelques huîtres plus tard, Oso Leone me redonne foi en la vie. Véritable coup de coeur du festival, le concert, d’une beauté et d’une incroyable sensibilité, rend intimiste le hall l’espace de quelques chansons. Il y a même eu des larmes dans la salle. La suite ne sera pas vraiment très convaincante : Barnt & Aguayo, comme Rone la veille, livrent un set violent et très techno. Si les amateurs du genre apprécient, je n’arrive pas à rester jusqu’au bout, préférant reprendre des forces pour être sûre de ne pas rater la fin de la soirée. Un passage rapide devant le concert de Jambinai, groupe Sud Coréen qui détourne instruments traditionnels pour partir vers des genres plus extrêmes. C’est déroutant, mais là encore, quelques morceaux suffisent pour que l’excitation de la performance laisse place à un sentiment d’oppression. La fatigue joue sans doute sur mes humeurs, puisque la plupart des personnes que j’ai croisées par la suite est sortie plus qu’enthousiasmée par ces concerts.

Retour au hall 9 pour Islam Chipsy, musicien égyptien, emportant lui aussi musique traditionnelle vers un paysage plus électronique. Le mélange est détonant et séduisant. Too Many Zooz et leur fanfare joyeuse ne réussissent pas à me maintenir éveillée, je me replie vers les banquettes du bar pour prendre un peu de repos. Le soirée se clôture par Awesomes Tapes from Africa (AFTA), aka qui, comme son nom l’indique, mixe sur cassette des pépites inédites des 4 coins du continent Africain. Comme l’an dernier (le festival se clôturait par concert d’Acid Arab), le live aux accents d’ailleurs ravit le hall, et la scène ne tarde pas à être remplie par l’équipe mais aussi quelques festivaliers venus danser les dernières minutes des Trans au plus près des artistes. Le set s’arrête, les lumières se rallument, et c’est déjà la fin, il est temps de partir faire la queue pour attraper une navette et essayer de rejoindre le centre ville de Rennes avant que le jour ne se lève.

Crédit : Nicolas Joubard

Crédit : Nicolas Joubard

Vous l’aurez compris, ces trois jours furent intenses. On en a pris plein les yeux et les oreilles, parce que les Trans Musicales au final, c’est autant un marathon qu’un festival. À un bilan très positif, j’ajouterai juste une déception : la physionomie du festival, et la fatigue aussi, il faut bien se l’avouer, ne permettaient pas de tout voir. Il paraîtrait par exemple que le concert de Kate Tempest, jeudi soir, était incroyable. Il est important de souligner aussi que le festival prend le parti de la découverte et de l’audace, remettant chaque année en jeu son titre du « festival le plus novateur », pour ne jamais lasser son public. Les Trans Musicales ont encore cette année été égales à elles-même : excitantes, éreintantes, folles et riches en découvertes. Merci Jean Louis, et à l’année prochaine.