Radiohead – Amnesiac

Bien audacieux, celui qui a pu chroniquer Amnesiac dès sa sortie en juin 2001, comme si l’album avait pu livrer toutes ses dimensions en quelques semaines, touchant le génie mélancolique (Pyramid Song) aussi bien que le grotesque (Pulk/Pull Revolving Doors). Comment même a-t-on pu oser placer le disque sur un pied d’égalité avec Kid A dont il partage certes l’époque d’écriture des chansons sans lui arriver à la cheville ? Dépouillé d’instruments « nobles », Amnesiac place la voix de Thom Yorke sous le feu des projecteurs dont You And Whose Army ? est le parfait représentant, d’abord seule et désemparée, puis rejointe et grandiose.

Et puis il y a les morceaux non-exploités qui remplissent malheureusement l’album : le trop “reasonable” Packt Like Sardines In A Crushd Tin Box, les roulants I Might Be Wrong et Knives Out (oui, les experts nous avaient déjà démontré quasi-scientifiquement que Radiohead s’était démarqué du tandem « couplet-refrain », mais voilà qu’ici c’est au détriment des chansons). A l’inverse — décidemment Amnesiac est un grand huit, ou plutôt un train fantôme — il y a cette version désincarnée de Morning Bell, inquiétante, envoûtante, comme vue à travers un miroir déformant, comme prisonnière d’un palais des glaces dans lequel elle abandonne tout espoir de s’échapper. Mais notre métaphore foraine ne s’arrête pas là : Dollars & Cents, c’est un peu la visite du parc la nuit, mystérieux, déroutant, surtout qu’il n’y a rien à y faire à part s’imaginer que l’on est poursuivi par un quelconque esprit malsain. La partie de cache-cache dure un peu trop longtemps, tout comme le pourtant très court instrumental Hunting Bears et ses impressions de traversée du désert à l’article de la mort. Les assiettes tournantes de Like Spinning Plates portent bien leur nom même si le titre reste incomparable avec une certaine version en concert… Et pour finir, Radiohead nous sert un Life In A Glasshouse désarticulé et blasé, avec un contraste volontaire entre les cuivres légers et la lourdeur du reste. Si le titre est réussi, il n’est pas sûr qu’il plaise pour autant, mais il constitue un beau final.

En définitive, on a faussement persisté à coller l’étiquette rock à Radiohead avec Amnesiac . Non, le groupe a continué de débroussailler des chemins musicaux en s’aventurant comme des explorateurs aux frontières de ce qui existait (avec le disque précédent Kid A ), puis bien au-delà avec cet album. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous bien sûr, il est inutile de se cacher la vérité sur le résultat. Mais que l’on encense ou conspue Amnesiac de toute façon la conclusion reste la même : on n’avait jamais rien entendu de tel avant.

4 / 5
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