Barth – Cold Smoke

Je cherchais un angle d’attaque pour cette chronique un peu spéciale, et puis un jour on me l’a donné : « tu sais, Barth déteste les réseaux sociaux ».

Il n’en fallait pas plus pour partir dans un monde imaginaire où Barth, vivant reclus en haut d’une tour en pierre, trempait sa plume dans un encrier avant de poser les notes de Cold Smoke sur un papier fabriqué à partir de feuilles d’arbres glanées au fil des coups de vent et macérées dans de l’eau de pluie. « Mais tu sais, ce n’est pas parce que l’on se tient à l’écart des réseaux sociaux que l’on est forcément misanthrope ou rétrograde, me glisse doucement Barth. Je souhaite seulement conserver mon intimité. »

« Foutre et foutaises ! » lui répondais-je, m’emportant comme d’habitude un petit peu trop rapidement. « Tu auras beau ne pas être sur les réseaux sociaux, ça n’empêche pas les gens de parler déjà de toi et de ta musique. Libre à toi d’engager la conversation avec qui bon te semble. » Trop énerver pour continuer, je lâchais trois pièces sur le comptoir de la brasserie où nous nous étions donnés rendez-vous avant de déguerpir, non sans tweeter ma frustration sur cette entrevue imaginaire.

Car effectivement, je n’ai pas rencontré Barth ce soir-là, et la futilité de ce que l’on peut lire sur Twitter me fait parfois sourire également. L’imaginaire est donc surtout le crédo de Barth, et Cold Smoke, tout comme Film Music Vol. 1, est « un album pour films qui n’existent pas encore ». La bande-originale d’une oeuvre imaginaire, et probablement aussi la bande imaginaire d’une oeuvre résolument originale. A son écoute « à l’aveugle », on se sent immédiatement capté par les personnages féminins (Lola, Mia, Pola…) qui donnent l’impression de ne faire qu’un. Les chansons sont douces mais parfois sombres, et derrière cette folk épurée on perçoit des rythmes bossa nova du plus bel effet (The Crash). La voix, toujours posée sans être fragile, constitue le principal fil conducteur du disque et véhicule la mélancolie omniprésente dans la narration de l’histoire.

L’ensemble de l’album est ainsi parfaitement cohérent, et sans doute plus important encore : il est crédible. Si Barth n’a absolument plus à prouver qu’il est capable de composer entièrement une bande-originale à lui tout seul, il ne lui reste plus qu’à réaliser les films qui vont avec. Encore une étape de franchie : voici le générique du film imaginaire de Cold Smoke.

3.5 / 5