Violent

Festival du Film d’Amiens 2014

Écrit et Réalisé par Andrew Huculiak. Avec Dagny Backer Johnsen, Mari Sofie Andreassen, Karl Bird, Bryn Bowen. 100 minutes. Canada. Date de sortie inconnue.

Une chose est étonnante avec ce film : bien qu’il y ait un seul nom de réalisateur à la barre, c’est un groupe de musique qui est aux commandes. Il s’agit du groupe pop canadien We Are The City. La bande originale du film est très envoûtante et portée sur les sensations des personnages. On pourrait repenser à l’utilisation de la musique dans LES RENCONTRES D’APRES MINUIT par les compositions de M83. L’utilisation et le placement dans le montage est dans la même idée. C’est en cela que le film est un grand vecteur d’originalité pure. Sans abuser de quoi que soit, la modestie des notes accompagne leur pertinence dans chaque action importante des personnages.

Pour continuer avec la bande originale, Andrew Huculiak a gardé l’influence de la musique pour la narration de son film. L’intrigue du film est chapitré, par des souvenirs de la protagoniste à propos de cinq personnes qui l’ont marqué. Même si ces chapitres se suivent dans le temps et l’espace, leur but et leurs points d’encrage sont différents. En cela, le film est parsemé de transitions entre les chapitres. Des transitions formellement psychédéliques, que l’on pourrait nommer des refrains. Puis que le même thème musical y revient à chaque fois, avant d’arriver à un chapitre nouveau. La bande sonore est aussi à mettre au compte de l’influence mélodique, puisque la grande majorité des sons d’ambiances forment des acoustiques ponctuelles venant accentuer un détail d’un plan.

Ces sons d’ambiances sont parfois repris, mais à des visées opposées. Car qui dit chapitres, dit une rupture évidente dans la progression de la protagoniste. La construction du personnage est soulignée par son évolution dans des brides de vie. Comme une sorte de chronique, qui fait des pauses pour ne prendre que le plus important de la citation. Le plus intéressant dans ces brides de vie, ce n’est pas tellement leur visée constructive par rapport aux personnages, mais dans leur approche singulière et identique à chaque fois. Avec leur musique pop et conceptuellement indéfinie, le groupe adopte un univers onirique très explicite.

Et cet onirisme se traduit en plusieurs points. Les espaces forment le noyau global dans lequel on retrouve tout l’essence des situations. Tout d’abord, on peut parler de lyrisme, dans la manière de dégager le texte et de jouer en permanence sur les couleurs. Une lumière arrive d’un pare-brise arrière pour exprimer toute la tendresse d’une discussion, avant que la noirceur de la rue vienne surligner la tension d’une courte poursuite. De plus, les répliques vont de pair avec ces couleurs à l’image. Selon l’espace dans lequel se trouvent les personnages, la tendresse peut précéder la tragédie dans une poésie des mots. Un tel ricochet dans les répliques est également servi dans le sens inverse, ou la tendresse succède à la tragédie.

Ce lyrisme est tout à fait abstrait. Deux choix du réalisateur sont évidents pour exprimer cette volonté d’incongruité parfaite. Déjà, on peut y trouver des objets volet au ralenti, des être humains flottants dans l’air, des éléments de la nature qui se déchaînent, un découpage parfois étrange, etc… Quand on a quitté l’impression de photographies successives (sur le flottement ou le déplacement des objets au ralenti), on a aussi le droit à des allures rigoureuses. Des personnes à moitié droites et penchées sur la table, des signes de main timides, des regards troubles, etc… : en quelque sorte, des corps qui subissent la rigueur de ne pas être collés au genre défini dans une situation.

A partir de là, on peut parler d’une forme d’errance parmi tous ces personnages. De la protagoniste jusqu’au moins important des personnages secondaires. Quand la psychologie et la philosophie des personnages vient se refléter sur leurs comportements, il y a une sorte de perdition charnelle vers un idéal lointain. Dans le film, on vit dans les méandres du quotidien, dans les absurdités ou la beauté des relations humaines. Cette errance se caractérise essentiellement par un constant vas et viens des protagonistes. Chaque chapitre nous décrit un cycle infini dans lequel la vie des personnages devient de plus en plus abstraite.

La sensorialité fait aussi partie intégrante du film, car c’est avant tout là-dessus qu’est porté le film. Quand la bande originale nous accompagne vers l’errance des personnages. Quand le lyrisme de l’esthétique vient provoquer des ambiances différentes afin d’explorer plusieurs genres. Ou quand l’onirisme fait sa part de fantaisie dans l’absurdité du réel, dans le fantasme d’une perfection d’une vie bien compliquée. Le film est un choc visuel et sonore, duquel la contemplation est plus de mise que la compréhension intégrale du sort des personnages.

4.5 / 5
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