Une jeunesse allemande

Écrit et Réalisé par Jean-Gabriel Périot.
France. 93 minutes. Sortie le 14 Octobre 2015.

Audacieux premier long-métrage : un français qui se lance dans le documentaire se servant uniquement d’images d’archives étrangères. De plus, qu’y a t-il de plus à dire sur la période de la RAF ? Le documentaire de Périot n’a pas de vocation pédagogique ou informationnelle, il s’agit d’explorer la progression d’une situation conflictuelle, d’analyser le caractère de certaines personnalités qui ont marqué cette période de l’Allemagne. Dans sa forme, le film a peut-être un peu de mal à s’adapter au grand écran. Il n’est jamais dans le reportage, mais l’absence de voix off et d’intertitres ne permet pas d’élaborer explicitement le contexte. La forme est livrée à elle-même pour faire comprendre dans quel chemin le spectateur peut s’embarquer.

Une forme qui se base avant tout sur un grand travail de montage. En agençant de nombreuses images d’archives, qui n’ont pas le même âge, il y a un parti pris : celui de laisser les images parler d’elle-même, sans jamais que le cinéaste n’intervienne. C’est bel et bien le cas, puisque le film se construit dans une narration traditionnelle qui contient une exposition et un développement de personnages, jusqu’à la chute. Grâce au montage, J-G Périot permet à son long-métrage de construire une évolution de situations et des personnages. Au fur et à mesure que le film progresse, ce sont les personnalités qui évoluent simultanément. Ainsi, le montage crée une certaine intensité à travers les caractères des personnages, pour notamment faire basculer le film dans la tragédie où le ton va changer.

Le principe de ce montage est de laisser le spectateur déterminer du regard à avoir : s’il veut avoir de l’empathie pour les personnes ou l’inverse. Dans les deux cas, J-G Périot raconte son histoire de manière très objective, en prenant beaucoup de recul. Le documentariste ne s’implique jamais dans le montage qu’il effectue. Il écrit une évolution à travers des images d’archives, mais cela pourrait devenir rapidement très didactique. Sauf que le recul proposé amorce une grande froideur dans le récit des événements. Là où le documentaire pourrait être un simple montage pour retracer une période historique, il n’en devient qu’un contexte pour décrire l’état d’esprit d’une époque. Comme si chaque nouvelle image d’archive dans le montage devenait une réplique plus froide à la précédente.

Grâce à son montage, le long-métrage laisse le choix du camp à rallier. Il s’agit d’un climat assez incertain dans lequel le film s’installe, mais avec une froideur évidente. La logique du montage du film vient dans le rapport de l’image aux actes et aux discours. Comment une image peut rapidement devenir une marque de manipulation : le documentaire explore ici l’impact de l’image de propagande. La radicalisation d’une partie de la jeunesse allemande des 70s est une telle une aventure où l’esthétique prend toute son importance. C’est au travers des images propagande que les protagonistes vont trouver leur évolution. L’exploration de l’image comme propulseur d’idées et de comportements est à double valeur : ce que J-G Périot nous montre de cette jeunesse allemande, mais aussi le rôle du spectateur dans la salle obscure.

3.5 / 5