A trois on y va

Réalisé par Jérôme Bonnell. Écrit par Jérôme Bonnell et Maël Piriou. Avec Anais Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck, Patrick D’Assumçao. France. 86 minutes. Sortie française le 25 Mars 2015.

Si j’ai accepté de voir ce film, c’est parce que Anais Demoustier est au casting. Elle est le seul intérêt qui me reste après voir vu le film. L’actrice française montre tellement de passion et de spontanéité dans sa prestation. Même quand son corps est hors-champ, elle arrive à créer une présence émouvante au vu de ses situations. A elle seule, Anais Demoustier vaut une histoire d’amour. Je vais en finir là avec ce qu’on appellerait de l’admiration non objective. Sauf que Anais Demoustier sait être drôle, à certains instants du film. C’est à l’image du film : une part de comédie vient se glisser dans cette romance. Mais ces instants restent furtifs, et sans aucune volonté d’enjeu. Simplement un comique de situation, qui viendra se répéter à plusieurs reprises, même si ces instants sont vraiment drôles.

Le film est donc une romance. Encore plus étonnant, il s’agit d’une romance à trois. Le pitch s’arrête là, car il n’y a pas vraiment l’intention d’aller plus loin. Le but du film est d’explorer les possibilités par rapport à l’amour. Mais le film étire ses nombreuses scènes romantiques, étire ses passages incongrus et fait de sa narration une répétition de baisers dont on entend le bruit de la salive. On ne pourra cependant pas reprocher au cinéaste sa volonté de faire un film remplit de tendresse et de fraicheur. C’est pour cela qu’il épure tout ce qui entoure les personnages. Leurs vies professionnelles sont rapidement rétrécies à l’idée d’obstacles pour une vie sentimentale. Vision primaire et vieillissante d’une romance. On notera aussi les problèmes du personnage de Patrick D’Assumçao, qui mérite largement mieux que ce stupide rôle.

Il faut également parler de la convenance narrative de cette romance. La progression de ce triangle amoureux est d’une évidence accablante. On s’aime, on se cache, on a chaud aux fesses, on découvre la vérité, on vit des beaux jours à trois, puis voici la fin vite expédiée. Les bouleversements narratifs n’en sont pas des vrais, ils sont surtout des prétextes pour faire avancer le film. Car Jérôme Bonnell aurait pu faire tenir ce film dans un court-métrage de trente minutes. Chaque scène est allongée à souhait, pour montrer qu’il n’y a aucune inspiration dans le texte. On comprend rapidement que le réalisateur n’a rien à dire sur l’amour, mais qu’il souhaite simplement regarder ses personnages faire des allers-retours en s’embrassant.

Même si le film a des volontés de tendresse et de fraicheur, il n’y a aucune concrétisation dans l’esthétique. Tout le film se joue dans le texte et sa narration convenue. Là où une poésie esthétique aurait propulsé la romance vers un désir fantasmé ou allégorique, il y a le choix profond du naturalisme. Bien dommage, car cela prouve un grand manque d’horizon pour cette romance à trois. Le film ne montre jamais où il veut en venir, quels sont les enjeux. Dans son esthétique naturaliste, Jérôme Bonnell ne peut jamais insérer une ambiance précise. Chaque scène est bien trop explicite et épurée, pour se consacrer à une atmosphère qui amènerait le film dans une incarnation du désir.

Alors que l’esthétique est encore à trouver, il y a un bon point et un gros mauvais point à donner pour le découpage. Tout d’abord, le film arrive à appliquer plusieurs points de vue différents. Evidemment, il s’agit d’un point de vue selon les trois protagonistes de la romance. Le passage d’un point de vue à l’autre est très délicate, et cela montre une passion du réalisateur envers cette romance. Le principal étant donc d’expliquer la beauté de cette romance, la beauté de l’amour. Tous ces points de vue soulignent également que plusieurs solutions sont possibles. Le film parait pouvoir prendre des chemins différents à chaque point de vue. Pour éviter de conclure sur un point de vue, les trois points de vue sont finir par se confondre quand les trois seront dans la même relation. Histoire de brouiller les pistes sur une fin possible.

Le gros point noir du film pour la fin, évidemment. Il s’agit du choix des plans. Vous pourrez compter sur vos deux mains le nombre de plans larges et de plans moyens. Car Jérôme Bonnell a la maladie d’amour des gros plans. Une grande majorité du film se joue sur des gros plans. Le problème, c’est qu’ils ne servent trop souvent à pas grand chose. L’immersion est ratée, car tous ces gros plans (aux bruits de salives insupportables) se révèlent très oppressants. Apparemment, la romance et le désir entre les trois personnages se résument à se toucher les fesses, remonter la jupe ou s’embrasser (en gros plan). Le corps est pourtant trop statique, et l’amour ne devient que théorique. Les gros plans sont la preuve du manque d’imagination pour filmer l’amour. Surtout quand l’utilisation du flou en arrière plan est aléatoire, et ne sert jamais à quoi que ce soit.

1.5 / 5
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