Tristesse Club

Écrit et Réalisé par Vincent Mariette. Avec Laurent Lafitte, Vincent Macaigne, Ludivine Sagnier, Noémie Lvovsky. 86 minutes. France. Sortie française : 4 Juin 2014.

Il y a quelque chose d’étrange avec ce film. Même avec la présence de Vincent Macaigne et ou de Laurent Lafitte, le film ne s’inscrit pas dans le renouveau du cinéma français (génération Brac, Triet, Peretjatko, Gonzalez, Zlotowski, Betbeder, …). Alors qu’il en a toute l’apparence, la même joie dans le déroulement des situations, la même énergie dans la direction d’acteurs. Également comme les autres cités, le film ne se situe pas dans un genre précis. Mais c’est la direction qu’il prend qui le diffère de cette nouvelle génération. Alors que ses compères explorent les codes de genres (comédie, romance, thriller, …), Vincent Mariette s’écarte en survolant les genres qu’il explore. C’est ce qui pose le gros problème de son film : on ne sait par quel bout le prendre. Doit-on se focaliser sur l’absurdité des personnages et des situations, ou doit-on se focaliser sur les thèmes récurrents de la mort et la fraternisation ? En mariant tous ces éléments, Vincent Mariette préfère les aligner un à un, que les développer dans un point de vue précis. Comme l’avait fait Guillaume Brac avec TONNERRE, où il justifiait le thriller dans sa tension la plus grande (corps, regards, neige, noirceur, …) par la fin dramatique d’une romance enjouée (tendresse des mots, rapprochement des corps, beauté des espaces, lumière grandiloquente, …).

Avec LA BATAILLE DE SOLFERINO, Justine Triet passait de la foule à l’appartement. Avec GRAND CENTRAL, Rebecca Zlotowski passait de la centrale au pâturage. Avec TRISTESSE CLUB, Vincent Mariette reste dans son automne austère qui empêche toute lumière de venir subjuguer l’absurdité de certains détails. De plus, le trio d’acteurs passe plus d’une heure du film en huis-clos, dans cette maison abandonnée au bord d’un lac. Les personnages sont enfermés dans l’incertitude de la situation, ne permettant pas aux corps de se lâcher. On connaît le potentiel gestuel de Vincent Macaigne, qui parait ici en sous-régime. Employé dans son côté tendre nounours, l’acteur est limité par l’espace vide.

Ce qui est totalement anachronique, puisque un espace vide devrait permettre une quête effrénée vers la profondeur de l’incertitude. Ici, le trio de personnages semble faire du sur-place. Heureusement, le film a des qualités face à ces points noirs. Car les espaces vides viennent également casser une idée toute faite. Malgré le sur-place des personnages, le film se permet de s’écarter de tout ce qui compose le contemporain. Les espaces vides viennent créer un bloc qui s’oppose au fantasme de la vraie vie. C’est comme si la maison des RENCONTRES D’APRES MINUIT devenait plus sombre, plus tragique. Par les espaces vides et le sur-place des personnages, on a le droit à une intemporalité évitant la sociologie. Par la disparition du père, les personnages font comme un saut en arrière, mais en le revivant dans le présent, tout en refusant d’anticiper le futur. Entre l’histoire d’amour impossible, les réminiscences de l’enfance, les retrouvailles d’un camarade de classe, … le film renverse le miroir des personnages. Ces intemporalités permettent de construire les personnages, de les développer petit à petit, sans pour autant définir/juger leur relation à autrui.

En vérité, les relations entre les personnages se définit dès les quinze premières minutes. La réunification des frères, l’apparition d’une potentielle demi-soeur sont dans l’absurdité la plus entière. Au-delà des répliques qui se renvoient l’une à l’autre, les corps également fonctionnent comme des ricochets. Les corps des personnages ne se quittent plus, comme si la possible mort du père les unissait malgré eux. Dans sa mise en scène, Vincent Mariette a quelque chose des anglo-saxons. Les personnages sont la définition des espaces, dont les corps sont les victimes d’une idée sociétale. Hors, l’idée sociétale du film est forgée dans une déconstruction du contemporain. Les corps se forment alors dans des ricochets d’une absurdité parfaite. Je prendrai simplement l’exemple d’une scène où une forte pluie suit un instant de confidences dans une air de jeux pour enfants.

Toujours dans cette idée de mise en scène influencée des anglo-saxons, Vincent Mariette instaure une grande incongruité paradoxale chez les personnages. En les prenant individuellement, Ludivine Sagnier refait penser à son rôle dans PIEDS NUS SUR LES LIMACES, où son personnage s’enterre dans une coquille de faux-semblant, pour mieux percer la volonté d’une intégration. De son côté, Laurent Lafitte est au-delà de la comédie. Son personnage est avant tout dans la tragédie, celle où le destin a voulu casser tous ses rêves. Mais il en reste pas moins un grand gaillard pas très sympathique et égoïste. Enfin, il y a Vincent Macaigne. Cheveux longs, regard tendre nounours, gestuelle minimale, costume cravate : l’acteur est un garçon attachant mais néanmoins pas très futé, cynique et naïf. C’est sans parler du caméo de Noémie Lvovsky, qui passe de la fraternisation au drame le plus intense. Le film, dans son huis-clos austère et sa rupture avec l’espace-temps, explore le côté personnel de chaque personnage.

Plusieurs sensations viennent aborder ce film, grâce à la mixité des sentiments personnels explorés (par les personnages). Entre la mélancolie, la tristesse, le fantasme, l’amitié, la colère, la joie, … le film est une poésie de plusieurs instants. Dans un rythme basculant parfois, sans jamais tomber, TRISTESSE CLUB joue beaucoup de ses couleurs variés (incluant la lumière) et de son découpage. Bien que modeste envers ces sensations (préférant le travail sur l’intemporalité avec la recherche de son passé par le refus du présent), Vincent Mariette parsème son film d’une petite flamme. Par la fraîcheur des couleurs, par la contradiction de la lumière dans plusieurs plans, par la succession des plans rapprochés avec les plans larges, le jeune réalisateur français ne veut pas sentir ses personnages dans l’assurance. Le film est une quête intérieure via le collectif : parce que l’union des corps est l’argument parfait d’une chaleur espace-temps.

3.5 / 5
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