Swim little fish swim

Réalisé par Ruben Amar et Lola Bessis. Écrit par Ruben Amar. Avec Lola Bessis, Dustin Guy Defa, Anne Consigny, Brooke Bloom, Olivia Durling Costello. 95 minutes. France. Sortie française le 4 Juin 2014.

<< Leeward et Mary, jeune couple New Yorkais, n’arrivent plus à s’accorder. Lilas, jeune artiste Française tente de faire ses preuves à New-York et de s’émanciper d’une mère oppressante. Lorsque cette jeune fille pétillante emménage dans le minuscule appartement du couple, l’équilibre de celui-ci chancelle de plus belle. >>

C’est l’été. Et ça se sent dans ce film. Dans son synopsis, on comprend la volonté de fraîcheur et de simplicité de l’intrigue. Le film nous arrive avec des airs de feel-good-movie. Le beau temps culmine dans chaque plan. Les vêtements sont décontractés. Les personnages se baladent tranquillement d’espaces en espaces. Et même parfois assez drôle, le film se repose sur une base de tendresse. Les acteurs en sont un élément important. Le visage attachant de Lola Bessis et celui sensible de Dustin Guy Defa, font de ce film un vrai arc-en-ciel en pleine salle obscure.

Le film se veut poétique. Les espaces filmés ne sont pas choisis au hasard. Car chaque plan se révèle très coloré. Cette esthétique contribue à l’esprit feel-good-movie. Il y a même une nostalgie de l’ambiance. Car les personnages ne vivent pas de très mauvais moments. Leur quotidien leur réserve de bonnes comme de grandes surprises. Pour ceci, une nostalgie se crée par une esthétique coloré mais portée sur le vintage. On remarque les quartiers anciens, les vieux papiers peints, une teinte qui fait penser aux grains des pellicules, ainsi que des accessoires et décors faisant rappeler les années 70.

Sauf que le film souffre trop de son esthétique si soignée et rigoureuse. Chaque détail a son importance, sa disposition millimétrée. De là, la poésie désirée ne peut jamais sortir de son confinement. Enfermée dans une bulle psychologique, la mélancolie ne se transmet jamais dans les images. Ca en reste à des attitudes des acteurs, à des manières d’utiliser les outils artistiques. Le film veut porter une poésie noire, mais elle ne peut décoller, tant le cadre préfère mettre les visages doux en avant. La mélancolie n’est qu’un état d’esprit, explicité par le texte.

Dans sa poésie noire, le film n’a qu’un seul objectif. Les relations et conséquences entre personnages passent au second plan. Avant de discuter du propos du film, notons la manière d’apporter le sujet. Ruben Amar et Lola Bessis décident de jouer avec le montage. Un montage classique, certes, mais son intérêt réside dans la narration du récit. Car le film progresse de manière alternative. Lola Bessis et Dustin Guy Defa se croisent et se parlent plusieurs fois dans le film. Mais leurs personnages n’ont pas d’intrigue en commun. Chacun a sa propre histoire à raconter, à faire avancer. Leurs intrigues respectives progressent dans un même tempo, pour mieux rebondir sur le sujet. Ainsi, Ruben Amar et Lola Bessis peuvent adopter deux approches différentes du sujet.

Un sujet qui porte une mise en abîme de l’art. Par la vidéo expérimentale, par l’art pictural, par la musique, etc… Ruben Amar et Lola Bessis nous apportent une ode à l’art. Leur but est de parler de la création chez des artistes. De faire, presque, un état des lieux psychologique de ces artistes. La volonté des deux cinéastes, c’est de sonder les âmes perdues de leurs personnages. Des artistes en plein doute, des artistes qui recherchent la bonne solution, des artistes qui cherchent à vivre de leur art. Le film met en opposition deux réalités. Celle des artistes, à l’âme perdue et à l’esprit sceptique. Face à la réalité qui les entoure, un monde cruel et mené par l’argent. La question de l’argent est constante dans le film. Mais, encore une fois, toute cette poésie noire est cachée par l’ambiance vintage du feel-good-movie.

Le grand problème du film, c’est qu’il en reste sur ce postulat. La confrontation de l’âme perdue d’un artiste, face à la cruauté du monde qui l’entoure. Le développement est trop lisse, toute question n’est pas assez creusée. Le bagage est bien trop léger pour que le film se transforme en un manifeste pro-art. La tendresse prend à chaque fois le dessus, les visages s’illuminent à chaque plan. Le film en devient alors trop naïf, trop gentil. Cela se remarque dès les premières scènes, Ruben Amar et Lola Bessis ne veulent pas être trop durs avec leurs personnages. Et c’est le principal défaut du film. Ca enlève tout caractère au propos. Il y a un grand manque d’excentricité, de tragédie et de mordant dans les situations des personnages.

Ca se ressent également avec la forme du film. Ruben Amar et Lola Bessis portent une forme bien trop fragile. A chaque nouvelle situation, le film manque de partir dans le cliché total. La forme est tellement académique et sensible, que les acteurs resteront davantage en mémoire que leurs personnages. Il n’y a aucun rapport entre les personnages et les espaces. Il y a comme un détachement des personnages par rapport à l’esthétique. On dirait que le film se repose sur des croquis, comme des souvenirs d’artistes qui se rappellent leurs débuts compliqués. Manque de relief évident, où le cadre n’apporte rien à l’approche du sujet, portée intégralement par les personnages (et donc les acteurs). Film rafraîchissant, mais qui manque d’élan.

3 / 5