Summer

Écrit et Réalisé par Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaityte, Aiste Dirziute, Laurynas Jurgelis, Jurate Sodyte, Salkauskaite Inga, Nele Savicenko, Martynas Budraitis. Lituanie. 90 minutes. Sortie française le 29 Juillet 2015.

Il est possible de distinguer deux types de films, même si cela serait très mal venu : ceux à voir et ceux à écouter (bien que certains arrivent à lier les deux à la perfection). Summer ferait partie de ces films où l’image est prioritaire. Pas tout à fait un film contemplatif, mais plutôt un film d’observation. Dans lequel le mot d’ordre serait l’instantané. Dans son long-métrage, le récit se préoccupe davantage de moments intimes, pour forger les émotions de ses personnages. A travers l’histoire d’amour d’un été, il s’agit d’explorer la manière dont les attitudes s’accordent à l’évolution des caractères.

A partir de là, l’été devient tel un échappatoire, un envol à prendre de la part de la protagoniste. La métaphore est immense avec les avions. Mais cette imagerie est beaucoup plus belle quand il s’agit de se balader en voiture, en vélos ou de s’isoler (les champs, la plage, …). Les espaces deviennent tout de suite plus grands (voir les nombreux plans larges, et peu de plans serrés), pour apporter un vent de liberté autour des personnages. Chaque lieu, ou presque (à l’exception de la villa où sont les parents), est la source de possibilités, de concrétisation de désirs.

Parce que Summer est comme ça : le film vacille entre le rêve et le cauchemar. La dramatisation des relations (la durée, les rebondissements) devient le théâtre d’angoisses, quand la beauté de l’intimité (la sensualité, les moments à deux) est la définition du rêve. Le long-métrage est ainsi : il apporte en rêve ce que l’été peut offrir d’apaisement et d’échappée. Mais il apporte aussi en cauchemar, quand il s’agit de revenir à la réalité (la famille, les tensions d’un couple, les complexes personnels). Ceci se traduit dans l’esthétique : la photographie est toujours explicative quant à la direction à prendre, le rêve ou le cauchemar. Les grands espaces sont plein de couleurs différentes, quand les intérieurs sont assez corrosifs.

Cette idée esthétique se prolonge dans la lumière. Très présente, et donc très travaillée, elle apporte énormément à la mise en scène des actrices. Leurs attitudes et leurs emplacements sont constamment en relation avec la projection de la lumière. C’est parce que la lumière éclaire des détails initiant l’intimité, et que son absence signifie beaucoup pour la dramatisation du récit, que le film peut justifier les sensations par l’intensité. Dans Summer, la lumière est l’élément qui permet de capter les sensations, les émotions et l’intimité.

Le soucis de cette ambiance très lumineuse et haute en couleur, c’est qu’elle ne montre pas de direction. Le long-métrage a toujours l’air d’hésiter entre le naturalisme (cette histoire d’amour sans originalité) et le fantastique (le jeu sur la lumière, certaines scènes de sensualité). Sans jamais ne donner aucun indice, la mise en scène alterne entre les suggestions. Le spectateur est constamment embarqué dans ce qui s’apparente à un amour d’été traditionnel, tout en voyant des images composées tels des fantasmes.

Malgré l’ambiance floue mais portée par une magnifique esthétique, le montage comble les manques. Accompagné d’une bande originale à la fois mélancolique et pop, le mariage avec le montage forme une symphonie. Celle qui se compose par les sensations et par les moments intimes qui, au lieu de provoquer une évolution, propose une approche expérimentale. Par des cadres fixes et un sentiment constant d’une vue aérienne sur les situations, le montage agence des images en perpétuelle recherche de l’envol. Une expérimentation qui se remarque également dans la composition de la lumière. Que ce soit par des néons, de la lumière naturelle, des loupiotes, … l’expérimentation du découpage découle directement de celle de l’esthétique.

L’instantané est alors partout : aussi bien dans l’expérimentation que dans la mise en scène. Cette spontanéité est en rapport avec l’idée de vertige. Car pour prendre son envol, pour que l’été puisse être un échappatoire, il faut que la protagoniste ait des complexes. Il y a la mélancolie (la durée des scènes où la protagoniste se fait saigner les bras, les dialogues avec la famille) qui met quelques freins à la liberté offerte par l’été. Puis, il y a une opposition entre une certaine retenue (la protagoniste) et une excentricité bienveillante (son amie). Dans les deux propositions, le vertige se justifie par le mélange. Comme si le vertige avait besoin de repousser les limites pour exister, ce qui donne lieu à tous ces plans larges. Jamais le vertige n’est vu comme une oppression (pas de plans serrés). Au contraire, le vertige devient le motif de création du rêve et du cauchemar dans l’intimité.

4 / 5