Lulu femme nue

«  À la suite d’un entretien d’embauche qui se passe mal, Lucie décide de ne pas rentrer chez elle et part en laissant son mari et ses trois enfants. Elle s’octroie quelques jours de liberté, seule sur la côte, sans autre projet que d’en profiter pleinement et sans culpabilité. En chemin, elle va croiser des gens qui sont, eux aussi, au bord du monde : un drôle d’oiseau couvé par ses frères, une vieille qui s’ennuie à mourir et une employée harcelée par sa patronne.  »

Dans son précédent long-métrage, Queen of Montreuil avec Florence Loiret-Caille, la cinéaste française Solveig Anspach établissait déjà une intrigue sur fond de crise. Sauf que dans ce nouveau film, la réalisatrice prend plus de recul. Dans Queen of Montreuil, elle plongeait son intrigue en plein dedans. Mais la légèreté qui se dégage de ses feel-good-movie laissait le questionnement en surface. De ce fait, l’approche de la crise se trouvait être trop terne. Le spectateur était alors contrait de se reposer exclusivement sur la fable fraiche contée. Dans Lulu femme nue, la crise est toujours aussi présente. Mais Solveig Anspach provoquera une errance chez son personnage principal (encore une fois féminin). Ici, la crise n’a pas à être traitée, elle n’est qu’une base de fond, cachée dans la brume nostalgique que le film nous offre.

Cette errance vient d’un besoin de s’éloigner de la crise. Lucie est une femme de la middle-class, qui ne trouve pas d’emploi. Pour oublier, le temps de quelques jours, la vie qui la rend si dépressive, elle ne monte pas dans son train. Oublier l’enfer du quotidien rythmé, le cauchemar du système, pour s’abandonner à une liberté spontanée. Elle trouvera cette errance dans un village au bord de mer, un peu comme les personnages de Laure Calamy et Constance Rousseau dans Un Monde Sans Femmes (Guillaume Brac, 2012). Cette errance spontanée pour la liberté, incitera à une reconquête de soi. Là où Queen of Montreuil célébrait l’amour, la famille et l’amitié, Lulu femme nue célèbre la liberté et la quête de son propre bonheur.

Cette reconquête anti-mélancolie, par une errance dans l’ailleurs, montrera un certain charme. Que n’avait pas le précédent long-métrage de la réalisatrice. Le plus de ce film, c’est sûrement l’accentuation de l’espoir et l’intégration d’optimisme. Solveig Anspach se montre plus chaleureuse, et lance moins de blague. Avant d’être drôle, avant d’être touchant, le film se montre assez cruel. Le trio de femmes (Karin Viard, Claude Gensac, Nina Meurisse) devra passer par plusieurs épreuves (qu’elles soient loin dans le passé ou instantanées, ou dans la durée) pour parvenir au bonheur. C’est ce que l’excellente Corinne Masiero nous a fait vivre dans Louise Wimmer de Cyril Mennegun.

Cette progression vers la tendresse se retrouvera dans la forme du film. D’abord par son montage rigoureux, comme une BD vivante, ou comme une carte postale infinie. Lulu femme nue connaît une narration différente du film précédent de la réalisatrice : une destination (l’arrivée de la première joie) plus rapide, un rythme plus posé et une sérénité plus évidente dans les caractères des personnages. Il y a moins de bordel dans les esprits des personnages, même dans les cas de spontanéités lors de certaines actions. De plus, à travers son montage et la multiplicité des personnages (nombre plus important que dans le film précédent), on sent une volonté d’avoir plusieurs angles de vue. Par la soeur de la protagoniste, par les frères de l’amant, par la fille de la protagoniste, par la vieille dame, etc…

Le spectateur sera amené à approcher le personnage principal féminin, joué par une fascinante Karin Viard toute en retenue et en simplicité, de plusieurs manières. Le spectateur se verra offert toute une panoplie d’émotions. Mais la principale reste la tendresse. Car, dans son esthétique, il n’y a plus le jeu entre démonstration et préservation. Ici, on se prend les vagues, le soleil, la plage et la fête foraine en pleine figure. Et ça fait beaucoup de bien. Car ce n’est pas tant un fait social que Solveig Anspach filme ici, ce sont surtout les connections sociales qui façonnent ces faits sociaux. Chaque plan avec plusieurs personnages est une ôde aux rapports entre humains.

Avec ce film, Solveig Anspach a intelligemment augmenté la portée de son regard sur la société. Un film plus optimiste, plus chaleureux et plus nuancé que le précédent. Si on devrait chercher un discours dans ce feel-good-movie, on pourrait aisément parler de solidarité. La réalisatrice y filme les plus beaux moments entre les personnages. Des gens qui sont concernés par la crise, qui nagent en plein dedans, mais qui ont quelque chose de plus important : ces yeux remplis d’espoir et d’amour à revendre. Telle les mouettes du film, envolons-nous vers la liberté et prendre du bon temps ensemble.

3.5 / 5
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