Les Habitants, nouvelle odyssée de Raymond Depardon

Réalisé par Raymond Depardon
France
85 minutes
Sortie le 27 Avril 2016

Raymond Depardon part à la rencontre des Français pour les écouter parler. De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, il invite des gens rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation devant nous, sans contraintes en toute liberté.

Le Raymond Depardon cinéaste a plusieurs périodes distinctes dans sa carrière : il y a eu celui qui captait seulement des faits, des situations ; il y a celui qui a commencé à fictionnaliser le réel ; puis il y a maintenant celui qui part en voyage. LES HABITANTS est donc loin des films tels SAN CLEMENTE ou DELITS FLAGRANTS ou même PROFILS PAYSANS. Ici, le photographe-cinéaste continue son voyage entrepris avec JOURNAL DE FRANCE (2012). Dans ce-dernier, il allait à la rencontre des lieux et des paysages avec sa voiture. Il capturait des espaces pour mieux leur donner une vie, une visibilité, les laisser s’exprimer d’eux-mêmes. Dans LES HABITANTS, il parcoure à nouveaux des lieux mais pour aller à la rencontre de personnes : la diversité des paysages devient la pluralité des personnalités et caractères.

Ce qui surprend d’abord, c’est l’aspect technique du documentaire : Raymond Depardon crée un huis-clos avec sa caravane où il y invite chaque « habitant », ils s’y succèdent tous duo par duo pour dresser une sorte de catalogue de la France. Ce qui surprend également, c’est la position du cinéaste : contrairement à ses précédents films, il ne participe jamais et ne se montre pas. Il est à distance, il prend le recul nécessaire pour laisser les « habitants » s’exprimer d’eux-mêmes. Avec le cadre fixe et la non participation de Depardon, le documentaire libère la parole et la regarde dans sa forme la plus basique. Ainsi, l’esthétique est celle de l’immersion à travers un panel pluriel, pour à la fois traverser les lieux mais aussi les pensées.

Parce que la parole se libère en marge d’un certain mouvement externe : le choix de placer les « habitants » entre trois fenêtres de la caravane, permet de capter simultanément un arrière-plan qui en constante mobilité contrairement à l’intérieur. Et justement, dans cette caravane, les portraits effectués naviguent entre plusieurs sujets et plusieurs situations individuelles. Mais dans la forme, toutes les conversations personnelles convergent vers le collectif : l’amour et la subversion deviennent le langage commun face à la crise (sociale et politique), face à l’angoisse et face à la solitude. Le cadre fixe permet de rassembler ces habitants en un même lieu, dans un même esprit.

Et puis, la musique est signée Alexandre Desplat. Tel un hymne à l’humanité parcourant le film.

4 / 5