Les Fleurs Bleues

Andrzej Wajda, qui nous a notamment livré DANTON (joué par Depardieu, 1983) et dernièrement L’HOMME DU PEUPLE (2014), est décédé en Octobre dernier, il s’agit alors de son ultime œuvre. A nouveau un film politique, qui cette fois met l’art en opposition au pouvoir. Sujet idéal pour une dernière œuvre. Le cinéaste, qui boucle là sa propre boucle artistique, fait de ses personnages ses doubles. Tels des résistants dans le non-dit, tout le film est dans un ton sec. C’est avec ce ton que Wajda choisit plutôt l’approche romantique que socio-psychologique.

Toutefois, le film n’échappe pas à plusieurs dérapages sentimentaux et d’excès de colère. Parce que le film se fait autour d’un récit lourd de sens différents, il y a une floppée de larmoyance qui traverse chaque séquence. Malgré quelques fulgurances intéressantes, comme les attitudes « agonisantes » dans les intérieurs avec des corps qui s’immobilisent, ou le manteau rouge sang que porte tout le temps la fille du peintre, le long-métrage manque cruellement de rythme. Dès les premières séquences, le film s’essouffle dans le classique académique.

Une opposition bien molle, qui lâche beaucoup de lest sur la mise en scène (les étudiants, devenant des apprentis disciples, vraiment irritants dans leurs attitudes trop saccadées) et qui manque terriblement de cruauté subtile : Wajda se contente de champ / contre-champ pour la désillusion, de hors-champ pour dénoncer, et de stagnation au lieu de vouloir créer un mouvement quelconque (un élan de protestion, plutôt que subir sur place, aurait été plus puissant). En même temps, le long-métrage manque également de la fougue et du lyrisme des Wajda des débuts. Quand Depardieu crie lors du procès de Danton, et se casse la voix, ici Boguslaw Linda doit se contenter de jouer le repli ou de jouer pauvre martyre.

LES FLEURS BLEUES, titre donné en référence à un amour perdu, convoque un élément bien furtif du récit. Titre français étrange, mais qui colle avec le romantisme du film. Impossible de faire mieux, car Wajda use de beaucoup de facilité dans sa morale. Que ce soit dans le corps du peintre qui se recroqueville de plus en plus, ou que ce soit dans le nombre de refus qui grimple petit à petit, et même dans la frontalité académique des plans, seule la pédagogie du sujet peut apporter quelque chose d’assez intéressant.

Cependant, l’esthétique n’est pas complètement à jeter : car malgré ses décors inutiles, la lumière est si belle qu’elle donne envie de croire au long-métrage, à un coup de génie (qui n’arrivera pas). Cette lumière donne un coloris crépusculaire à l’ambiance autour de ses protagonistes (le peintre et sa fille). En les assaillant avec sa lumière et sa palette de couleurs, Wajda permet au décor d’avoir une once d’impact qui ressemble à une tombe qui se creuse au fur et à mesure. Même dans les extérieurs, les rues semblent interminables, au point que le relief n’est qu’un engloutissement de la résistance. Néanmoins insuffisant face à la mise en scène, vraiment trop molle.

LES FLEURS BLEUES de Andrzej Wajda
Avec Boguslaw Linda, Bronislawa Zamachowska, Aleksandra Justa, Zofia Wichlacz, Szymon Bobrowski, Mariusz Bonaszewski, Izabela Dabrowska, Paulina Galazka, Jacek Beler, Tomasz Chodorowski
Pologne / 98 minutes / 22 Février 2017

2 / 5