Kill your friends

Réalisé par Owen Harris.
Écrit par John Niven.
Avec Nicholas Hoult, Craig Roberts, Tom Riley, Joseph Mawle, James Corden, Georgia King, Ed Skrein, Jim Piddock, Edward Hogg.
Grande-Bretagne. 105 minutes. Sortie le 2 Décembre 2015.

Ce film est un grand mashup de ce que le cinéma britannique propose de mieux. On y retrouve le mélange des tons cher au style british et aussi des personnages qui ont une apparence physique marquée. Nicholas Hoult a les cheveux rasés, Georgia King est choisie pour sa sensualité, James Corden a une silhouette ronde accompagnée à des cheveux longs, etc. Mais surtout, il n’y a pas vraiment de mauvais personnages : le long-métrage les montre en train de se détruire par eux-mêmes, ils sont la source des bouleversements du récit. C’est là que toute la force du cinéma britannique apparaît : les rôles forts de l’intimité, des sensations, du réalisme social, une esthétique propre, etc. Enfin, le film de Owen Harris a un grand mérite : aller à l’essentiel sans jamais duper le spectateur.

Esthétique de la comédie
Pour cela, le cinéaste explore deux genres : la comédie et le thriller. L’esthétique de son film est alors divisée en deux temps, là où le ton élabore un changement approprié de regard. Dans ses images, le long-métrage fait ressortir de nombreuses couleurs, tel un cartoon qui se mélangerait à une peinture expressionniste. Owen Harris veut appuyer la satire dans laquelle il place son contexte d’époque. Parce qu’il s’agit bien d’un film d’époque, mais l’ambiance est plus contemporaine et ne fait pas écho à des signes particuliers des années 90. L’esthétique montre surtout une surcharge des effets (lumière, contraste, etc) et une surcharge décorative, pour justifier un trop plein dans la tension d’une situation.

Comme une certaine envie de s’inspirer de quelques détails du baroque. C’est là que l’esprit cartoonesque intervient : le film a un côté absurde dans la mise en scène des corps, intégrés dans l’esthétique de la comédie. Il y a l’ironie des moments où les comédiens parlent (via leur personnage) face caméra aux spectateurs mais il y a surtout l’exubérance des corps. Mis en évidence de nombreuses fois, il y a tout le temps des corps à corps ou des oppositions pas loin des duels des westerns, entre ces corps. Même la grandeur des personnages (comprendre ici leur importance) est souvent pompeuse au point que leur mise en scène devient exagérée.

Esthétique du thriller
A côté de la comédie, il y a une vraie dimension du thriller. Parce que la tension émise avec l’inspiration baroque provoque un suspense constant dans le sort des personnages. Même si Nicholas Hoult semble contrôler le tout depuis son impressionnante interprétation, aucun personnage ne semble à l’abri d’un univers pourri à l’argent, à la drogue et à l’alcool. Le film serait alors un thriller satirique, où la lumière s’adapte au découpage pour se projeter sur les personnages. Il y a comme une concordance évidente entre le découpage et le travail sur la lumière : les deux se focalisent sur l’endroit du champ qui semble pouvoir tout bouleverser. Or, la lumière et le découpage jouent très bien les faux-semblants.

Surtout que dans le montage, les cuts radicaux sont nombreux. L’idée est de ne pas laisser de temps morts aux spectateurs ; il est nécessaire que tout s’enchaîne dans une rapidité limitée. Parce que la comédie ne peut pas prendre trop de place, il faut que le suspense soit constante avec la présence d’angoisse et de perversité. Il suffit de regarder comment les corps sont aussi mis en mouvements selon le ton du thriller. Owen Harris arrive à alterner sans jamais confondre l’exagération des attitudes avec la crispation (ou la condescendance) des corps. Dans son montage, le film propose un regard très clinique des corps dans ces situations.

Esthétique de la parole
L’alternance entre la comédie et le thriller est aussi marquée parce que le langage subit également une esthétique particulière. Notamment parce que le long-métrage connait une certaine frontalité de temps à autres : la parole face caméra, les plans fixes sur des attitudes crispées ou aussi les plans séquences sur des dialogues remplis de tensions prédictives. D’un autre côté, il y a surtout ce que le cinéma britannique (les séries s’y sont mises également) sait faire de mieux : le franc parler de la langue anglaise avec des personnages qui parlent comme ils pensent.

Ce qu’il faut avant tout remarquer avec la parole dans ce film, c’est la cohérence temporelle effectuée entre la parole et des décors précis. La parole face caméra dans une symétrie du plan, les plans fixes révèlent souvent une noirceur et/ou une froideur et les plans séquences forment respectivement une pré-tragédie qui annonce les décors suivants. Quant au franc parler, il sert surtout à allier l’ambiance satirique avec l’ambiance du thriller : il y a tellement d’exagération dans la parole que cela peut perturber les espaces, notamment dans leur cadrage.

Esthétique sonore
Enfin, il faut absolument mentionner la bande originale du long-métrage. Avec des noms comme Blur, Oasis, Radiohead, Prodigy et The Chemical Brothers, il était impossible de se planter. Et pourtant. Le film utilise trop de musiques connues et les intègre à outrance, à tel point que cela devient beaucoup trop bruyant. A la limite du criard, s’il n’y avait pas ces autres musiques qui sont des compositions originales. Celles-ci ne viennent pas compléter une action déjà bien remplie en esthétique et mise en scène, mais accompagnent et s’accordent au montage. Surtout quand il faut accélérer le mouvement des plans courts dans l’effet exubérant-cartoonesque de la mise en scène. En d’autres mots, l’esthétique sonore est parfois trop agressive mais aussi vibrante de sensations.

4 / 5