Inception

Il n’y a pas beaucoup de films comme Inception. Tant mieux, il n’en faut pas beaucoup. Tandis que les succès grand public du box-office font la part belle au cinéma de pur divertissement fortement représenté (et personnellement j’adore, je ne m’en cache pas), les classements des cinéphiles laissent eux la place à des joyaux rares, comme Inception. Bienvenue dans l’un des grands films de ces dernières années.

Voici l’histoire d’une opération-commando à travers le rêve, les rêves. Ou comment la spécialité de Cobb (Leonardo DiCaprio) qui est de voler des informations dans le subconscient, va s’inverser sur la demande Saito (Ken Watanabe) : au lieu de dérober une idée à une victime, il va devoir en implanter une dans un rêve.

Et c’est une équipe de choc sous forme de casting prestigieux, qui va assurer le spectacle. DiCaprio explose encore comme acteur brillant (qu’il est loin le minet des débuts…) et Nolan lui adosse des partenaires de premier choix : on retrouve une petite poignée de Batman Begins (Cillian Murphy, Michael Caine, Ken Watanabe) mais surtout des seconds rôles en pleine confirmation. Ellen Page s’impose définitivement, tandis que Joseph Gordon-Levitt (et sa troublante ressemblance avec Heath Ledger) et même Tom Hardy se font une vraie place sur grand écran, après des débuts remarqués en TV. On mettra un bémol sur Marion Cotillard (et même sur Non, je ne regrette rien de Piaf choisi comme chanson de réveil dans le film) : bien que convaincante en femme torturée, angoissante et obstacle au quotidien de Cobb, l’intérêt de son personnage peut diviser, même s’il est pour ma part compréhensible.

Sur le scénario, on frôle la perfection. Difficile de mettre Nolan en porte-à-faux sur son histoire pourtant complexe. Il est évident que tout a été travaillé, ciselé même, dans les moindres détails. Le film prend le temps de tout expliquer pour ne perdre personne (jusque dans les précisions les plus infimes, par exemple : pourquoi n’y a-t-il pas de projections du subconscient dans les limbes). La relativité du temps et ses différentes perceptions dans les strates de rêve sont vulgarisées pour faciliter les choses. En bref, tout le blabla prise de tête que vous êtes en train de lire dans cette critique est simple à suivre dans le film, donc pas d’inquiétude. Au fond, nous sommes tous fascinés par l’univers onirique et avons déjà passé du temps à nous questionner sur nos rêves, sur notre subconscient. Inception ne fait qu’exploiter le phénomène et propose au monde une réflexion collective sur ce qui est généralement un domaine assez intime, réservé, personnel.

Je ne peux m’empêcher de conclure avec un rapide retour sur Christopher Nolan étant donné que Memento est un de mes films cultes et aussi ma toute première critique sur le net (oui, dix ans déjà…). C’est un vrai bonheur de voir un réalisateur-scénariste aussi talentueux qui réussit à mener à bien un projet ambitieux et personnel comme Inception (qui au passage, n’est pas aussi compliqué à suivre que Memento) et est même capable de redorer une licence malmenée comme celle de Batman. Bravo M. Nolan, et merci.

CRITIQUE DE MG

On attend le prochain Christopher Nolan comme le Messie sur la planète cinéma, après l’énorme réussite (artistique et financière) de The Dark Knight. Décidé à ne pas enchaîner des épisodes sur la Chauve Souris, le voici livrant un film surprise, aux bandes annonces mystérieuses, annonçant un film choc, un casting béton et une esthétique ultra-moderne.

Et c’est un fait, Nolan a désormais un style ultra-puissant, ultra-soigné, et les moyens de donner libre court à son imaginaire. Et Inception n’a rien de commun avec le reste des blockbusters vus ces dernières années. Réitérant la surprise d’un Matrix (un film entre science fiction et philosophie, idéal et rêve…), Inception se pose comme un grand film au scénario intelligent, portant ses idées dans une histoire à plusieurs niveaux, au casting à la douzaine, dans des séquences réellement impressionnantes démontrant s’il en est besoin le talent de Christopher Nolan et de son équipe. Certes, Nolan se révèle plus en meneur de troupe qu’en créateur artistique, mais un film ne se fait pas tout seul, et il a l’intelligence de très bien s’entourer. Di Caprio a depuis quelques années pris l’habitude de s’imposer comme le rôle moteur de ses films, et ici on respire un peu avec des seconds rôles qui ne sont pas oubliés, et chacun a du y mettre du sien (physiquement s’entend), que ce soit Ellen Page, Tom Hardy ou Joseph Gordon-Levitt parmi d’autres.

Inception, c’est donc l’histoire d’un homme, un Extracteur de rêves, spécialisé pour plonger dans les méandres des songes d’une personne pour voler un secret, un détail de vie que l’esprit ne défend plus une fois le sommeil atteint. Pour cela, il a son équipe, avec chacun des spécialités, notamment de camoufler leurs visites au cours des rêves. Nous découvrons leurs activités au cours d’un vol particulièrement stratégique, qui découle sur un défi : insérer une idée plutôt que de l’extraire, chez un individu de première importance. Mais leur plongée dans ce cerveau va les mener plus loin que prévu, et notamment laisser espérer à Cobb (Di Caprio) la possibilité de retrouver sa famille… Le film ne fait pas de détails, et fonce droit au but, laissant peu de temps pour souffler. Nolan et ses co-scénaristes ne perdent rien en route, regroupant chaque idée égrainée pour au final tout faire converger vers des thématiques simples : une mission, un but, une équipe.

Avec tout ça, Inception est clairement le film de l’été, puissant, intelligent, charmeur a bien des égards. Toutefois, loin de la noirceur d’un Chevalier Capé, Nolan se perd quelque peu dans une romance perdue, les motivations du héros restant fixé sur son ex-femme et ses enfants, et lorsqu’on part en plongée dans les rêves des autres, il ne faut que peu de temps pour voir revenir ses propres hantises… Le récit qui fonce vers l’avant, ponctué de nombreux rebondissements et d’un fun incroyable, est lourdement chargé par un background (la famille..) qui n’aurait du être que suggéré et devient le principal problème du film. Et au lieu d’utiliser cela pour complexifier le récit, les auteurs foncent vers l’ambiance guimauve d’un héros triste et tourmenté, au milieu de scènes d’action parfaitement maitrisées constituant une grande toile dont chaque pièce vient s’ajouter aux précédentes. On aurait aimé plus de tenue pour l’auteur de films bien moins romantiques. A croire que Nolan souhaitait vraiment une sorte d’happy end malgré tout…

Inception, c’est un peu la dernière pièce d’un grand puzzle où ont précédemment été placées Matrix, EXistenZ ou Dark City. Bien plus hollywoodien dans le style, le film de Nolan se distingue cependant par une maturité sans commune mesure, dans la droite ligne de son Dark Knight, et laisse espérer pour la suite une longue lignée de grands films, sans forcément autant s’enfoncer dans le romantisme exacerbé.

5 / 5