In another life

IN ANOTHER LIFE suit le parcours d’un réfugié, mais dans une approche temporelle particulière. Le temps est divisé en deux parties : le présent où le protagoniste tente de quitter sa malheureuse condition en France, et le passé où le protagoniste est avec sa femme sur les routes de France. Dans les deux cas, il y a des points communs : la destination du Royaume-Uni, la survie, être le plus discret possible. Le plus fascinant dans tous ces détails est que le film est mis en scène par un britannique. Avec ce film, Jason Wingard prouve qu’il y a des britanniques qui acceptent les réfugiés ; et prouve que peu importe le lieu, il les comble de dignité et d’humanité.

IN ANOTHER LIFE est davantage un mélodrame qu’un thriller, parce qu’il se concentre sur la séparation d’un couple. Jason Wingard en fait ressortir toute l’empathie propre à un personnage, ce qui évite au film d’être une simple chronique d’un réfugié qui tente de fuir la misère. En évitant le factuel, le cinéaste construit une quête intime. Plus le film progresse, moins il s’agit d’une condition malheureuse pour le protagoniste. Cette quête a pour objectif de revenir en arrière, de construire un avenir basé sur le bonheur perdu. Avec ce montage alterné, entre le passé et le présent, Jason Wingard tient à rappeler l’objectif, à montrer l’objet manquant du présent. Ainsi, le film ne crée pas des personnages à partir de leur statut de réfugié, mais bien à partir de l’absence d’un sentiment affectif.

D’où l’esthétique en Noir & Blanc, permettant d’aborder un regard romanesque sur la situation intime / sentimentale du protagoniste. Mais surtout, c’est dans la mise en scène que se ressent surtout le N&B : toujours en mouvement, les personnages sont en pleine déambulation pour atteindre le bonheur. Sauf que, dans les deux temps distincts, il y a un élément fantômatique. Dans le passé, le couple change d’espace si souvent qu’ils sont les fantômes d’eux-mêmes, espérant finir par retrouver une stabilité. Dans le présent où le couple est séparé, l’absence de l’autre est l’élément fantômatique. Dans les deux cas, l’inaccessible est ce qui permet d’avancer et d’espérer. IN ANOTHER LIFE est davantage un film romanesque, qu’un drame sur les réfugiés, parce qu’il s’accroche à un espace de réunion qui ne se dessine pas.

C’est alors une mise en scène de la fuite, où chaque nouvel espace est un risque. En mettant en scène cette fuite et déambulation, Jason Wingard ré-humanise ses personnages réfugiés, déshumanisés par de nombreuses personnes et quelques médias. IN ANOTHER LIFE montre alors que ces réfugiés sont surtout pris au piège, que ce soit dans leurs désirs ou dans l’espace. Le ton est à la cruauté, celle où les corps (à bout de forces) sont dans une lutte permanente dans un espace inconnu. Cependant, le mouvement est bloqué par cette solitude. Parce que Jason Wingard a trouvé le noyau de l’ambiance dans le mélange entre la détermination et l’individualité. Ces personnages ne sont pas aidés, livrés à eux-mêmes. Tout le monde sait ceci, alors le cinéaste n’a pas besoin de la construire, c’est le postulat. Ainsi, il fait graviter son film autour de cette individualité.

Le souci est que la narration est parfois trop négligée, par assez surprenante. Une fois que le récit temporellement alterné est assimilé, le film devrait évoluer. Mais au contraire, IN ANOTHER LIFE fait perdurer son schéma de départ jusqu’au bout. Alors le montage devient rapidement monotone, et le fond finit par l’emporter facilement sur la forme. Le rythme s’essouffle parce que l’esthétique n’a plus d’idées à proposer, mais aussi parce que le récit est dans une boucle infernale. Même si l’approche et la mise en scène apportent de la tendresse pour le protagoniste, le piège construit autour de lui le conditionne dans une situation déjà connue, malgré un réalisme qui crée une tension à chaque tentative de fuite. Malgré ces petits défauts, IN ANOTHER LIFE est un film qui place le vrai sujet au centre : l’humain.

IN ANOTHER LIFE de Jason Wingard
Avec Elie Haddad, Toyah Frantzen, Yousef Hayyan Jubeh, Mudar Abbara, Ahmad Malas, Shahid Ahmed, Bhasker Patel, Abdullah Afzal, Elizabeth Bouckley, Joelle Brabban
Pays : Royaume-Uni
Durée : 1h24
Sortie française : inconnue

3.5 / 5