Evil Dead (1982)

Écrit et Réalisé par Sam Raimi. Avec Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Richard DeManincor, Betsy Baker, Theresa Tilly. 80 minutes. États-Unis. Sortie française le 24 Août 1983, mai 1982 à Cannes.

En 1981, Sam Raimi venait de finir ses études. Il avait 23 ans à cette époque. Il était en colocation avec des amis, dont parmi eux Bruce Campbell, Scott Spiegel et les frères Coen. Bruce Campbell deviendra son acteur fétiche, que l’on retrouve dans 11 de ses films (en date de Mai 2013), où il y joue soit le rôle principal ou un simple caméo. Avant d’en arriver à ce film, Sam Raimi et son équipe d’acolyte du film ont fait un court métrage intitulé Within the Woods. Ce court-métrage d’environ trente minutes raconte la même histoire que ce premier volet de la saga. Et c’est ce court-métrage qui a permis à Sam Raimi de récolter de l’argent afin de financer Evil Dead.

Ce film est inscrit dans le genre horrifique pour une bonne raison : des morts-vivants qui veulent prendre les âmes des vivants. Ce film n’a rien d’original dans son histoire, puisque George A. Romero avait déjà traité des zombies dans ce type d’histoire quelques années avant (on peut trouver d’étonnants points communs avec le génial La nuit des morts-vivants). Ce film est surtout un grand hommage au cinéma d’horreur. Il y a la bande de potes, le héros, et sa bien-aimée. Tous contres les créatures qui les attaquent. Là où réside le génie de Evil Dead, c’est que Sam Raimi a tout compris au film d’horreur. On monte un peu le son dans les situations d’angoisse, on use de rebondissements, on n’hésite à faire mourir des personnages que l’on apprécie, prise de risque sur le degré de peur, le rythme d’un film d’horreur typique, etc. Un vrai train fantôme où le jeune Sam Raimi vous met à l’aise avant de massacrer sans pitié ses personnages un par un.

Il ya déjà cet effet de huis-clos dans les bois. Les démons refusent que les personnages partent de la cabane, et les retiennent en effaçant les routes, en coupant les ponts, etc. Un huis-clos fascinant et terriblement angoissant. Une cabane à l’apparence vide de l’intérieure, mais dont l’architecture est déjà un élément d’angoisse. En ne sachant pas où les personnages seront amenés, puisqu’ils ne peuvent aller nulle part, Sam Raimi crée un sentiment d’mpuissance chez le spectateur. C’est là qu’on sent la peur habituelle d’un film d’horreur monter. Sam Raimi n’hésite jamais à maltraiter ses personnages, rien que pour gêner le spectateur. Exemple : quand Ellen Sandweiss est dans les bois, et est retenue par les branches (je n’en dirai pas plus).

Ce qui nous amène à être avec les personnages, bien qu’impuissants. Durant tout le film, la caméra de Sam Raimi nous offre une immersion totale au récit. L’exemple le plus flagrant et ce démon qu’on ne voit jamais, qui est très rapide : c’est la caméra de Sam Raimi qui avance, et nous sommes à la place du démon. L’immersion ne s’arrête pas là, mais je ne vais tout de même pas m’amuser à raconter tous les meilleurs passages du film. Disons simplement que la virtuosité de Sam Raimi n’a pas de limite. Prenons la scène du générique : les mouvements de caméra ont de quoi donner le vertige, et laissent planer de nombreuses questions. Des mouvements d’une virtuosité impressionnante pour quelqu’un qui sort tout juste de l’université.

La patte de Sam Raimi ne s’arrête pas à cela. Le réalisateur, qui a fondé sa société de production (Ghost House Pictures) rien que pour réussir à tourner Evil Dead, est un adepte des plans rapides. Le cinéma d’horreur avec Sam Raimi, c’est du train fantôme. Alors il faut être partout à la fois. Et Sam Raimi aime aller vite, pour montrer et dire beaucoup de choses à la fois. De plus, Sam Raimi a une habitude avec sa caméra. En incluant l’immersion du spectateur, il faut noter que le réalisateur apprécie les grands mouvements. Cette technique lui permet d’être cohérent avec ses plans rapides. Ensuite, il faut dire que Sam Raimi ne filme pas comme tout le monde. On le reconnait aussi à ses angles étranges.

Le montage est également une petite merveille de symphonie (NB: Joel Coen a participé au montage). Comme une mélodie de l’angoisse, une mélodie pour nous mettre à l’aise un instant, et nous faire sursauter et angoisser à l’instant suivant. A partir de là, Sam Raimi arrive à créer plusieurs ambiances sonores. Il faut repenser au son du banc qui claque contre le mur de la cabane, aux sons lorsque Ash est dans la cave, ou même au son lorsque que Ellen Sandweiss est dans les bois.

Sam Raimi est aussi connu pour les angles étranges qu’il utilise. Les angles qu’il utilise ont de multiples utilisations. Des fois, cela crée une angoisse certaine. Une angoisse qui amène souvent à quelque chose de malsain (dans le sens positif). D’autres fois, le spectateur se met à douter. Ou encore, pour représenter une certaine tension (parfois au niveau de la provocation). Chaque angle est une dimension différente pour regarder l’action. Et dans les autres cas, il lui arrive de faire preuve de tendresse, sans pour autant apporter une sécurité aux personnages.

Surtout que l’on a le plaisir de voir Sam Raimi jouer avec ses personnages sous forme de clichés. Chaque personnage répond à un stéréotype classique. Mais le plus fort, c’est que le jeu des acteurs est à la hauteur du budget. Le budget est très mince, mais qu’importe, le film reste un modèle d’invention. C’est la même chose pour les acteurs : ils ne sont pas très bons, certes, mais ce n’est pas pour autant qu’on se fout de leur sort à chacun. De plus, ils ont eu de quoi les aider : le maquillage. A défauts d’effets spéciaux dignes de ce nom (rappelons que c’est un premier long-métrage à la sortie de l’université, juste fait par une bande de potes qui veulent s’amuser), nous avons des maquillages qui peuvent faire rire.

Il y a tout de même une chose à savoir. Maintenant, ça fait rire. En 1981, les spectateurs dans les salles avaient très peur et furent choqués. Comme quoi, le film a bien tenu son pari : provoquer la peur. Car aujourd’hui, on verrait ce film comme une comédie horrifique. Alors qu’il reste un pilier dans les genre de l’horreur. Si on peut le voir comme une comédie horrifique, c’est tout simplement que ces effets spéciaux dérisoires provoquent un côté absurde et loufoque au récit. Cela amène à nous dire qu’à côté du gore, il y aurait une part de burlesque. Et heureusement, ce côté burlesque est assumé, même s’il n’est pas voulu. Mais ce qui est voulu par Sam Raimi, c’est bien l’humour noir dont il fait preuve (pas ancien colocataire des frères Coen pour rien), ceci lui permet de détendre l’atmosphère dans toutes ces situations d’angoisse. Quand l’horreur rencontre l’humour noir.

En ce qui concerne l’esthétique de l’image, nous avons un film qui reste propre au cinéma d’horreur. Déjà que la situation se passe en majorité dans la nuit, Sam Raimi et toute sa fine équipe n’hésite pas à ajouter du sombre. En tout cas, toute opération effectuée par Sam Raimi ne fait que s’intégrer dans la cohérence la plus totale de son récit. On remarque bien que le plus important reste une bande de potes qui veulent rendre hommage au cinéma d’horreur, mais ils y ajoutent la manière. Car il ne faut pas oublier le premier objectif du film : le mélange d’angoisse et de gore. Contrairement à ce qu’on pourrait dire, le film n’a pas vieilli d’une ride. Le bricolage maison ne vieillit jamais.

Mais ce qui fait la plus grande force du film, c’est Bruce Campbell. Son personnage de Ash est indéniablement le plus grand atout que possède le film. Et on sent un Sam Raimi qui s’amuser beaucoup à le torturer et à angoisser son personnage. Dans le film, Ash est presque un anti-héros. C’est surtout une héros malgré lui. Et c’est ce qui fait surement son principal attrait. Au départ, il est presque invisible, mais il finira par évoluer de telle sorte qu’il devient le héros de l’aventure. Sans Ash, et donc sans Bruce Campbell, on se demanderait bien ce que serait ce film.

5 / 5