El condor pasa

Festival du Film d’Amiens 2013

Une collégienne est assassinée sur son chemin du retour de l’église. Park, le prêtre catholique de la paroisse, se sent coupable et rend visite à la soeur de la jeune fille, pour lui présenter ses condoléances. Partageant la même tristesse, ils développent des sentiments et entament une histoire d’amour. Mais après plusieurs nuits, le prêtre sombre dans une profonde angoisse. Après la rupture, il se rend au Pérou pour y retrouver un ami prêtre, et lui confesser son péché.

Il vous suffit de lire le pitch du film pour comprendre tout le fond. Vous verrez ainsi à quel point ce film part dans tous les sens en même pas deux heures. Un film que l’on pourrait diviser en trois chapitres. Le premier étant l’exposition avec l’adolescente, le deuxième sur le post-meurtre, puis le troisième sur le voyage du prêtre. Même si cette dernière partie est (trop) longue pour ce qu’elle a à raconter. Un bon vingt minutes pour montrer des déambulations, pour finir sur une question, un doute chez le spectateur. Efficace en soi, mais les ellipses auraient pu être plus grandes.

Le plus étonnant dans ce film, c’est la forme. Jeon Soo-il, dont le long-métrage Pink sort en France en 2013, a une maitrise complète de sa mise en scène. Il sait parfaitement les points de vues à adopter. A chaque partie de son film, l’ambiance, le ton et le point de vue changent. Le seul élément commun à chacune de ces parties, c’est la bande originale. Jeon Soo-il reflète peut-être plusieurs ambiances, mais il garde une musique du type dramatique. Comme ayant un suspense constant.

Dans la première partie de son histoire, le cinéaste coréen nous raconte quelque chose de pas très original pour le cinéma coréen. Il s’agit de la mort d’un enfant (et ses répercussions, voir le récent et très bon Shokuzai de Kiyoshi Kurosawa). Dans cette partie, Jeon Soo-il sera au plus proche de ses acteurs. De rares plans larges, et quelques plans moyens. Mais le reste se déroule surtout en plans rapprochés ou autres (alternant avec les plans américains, italiens et les gros plans). De là, les personnages se fondent dans le ton de tendresse, l’ambiance hypnotique de la mise en scène. L’amour fraternel vient également avec ce détail de la religion. Les émotions des personnages sont explorés, pour mieux exposer aux spectateurs leurs relations.

Dès que l’adolescente est assassinée, la mise en scène change. Jeon Soo-il opte pour un ton plus direct, il devient plus cruel et plus sensoriel (à noter une scène de sexe en plan fixe). Là où ce film se rapproche du travail de Kurosawa sur Shokuzai, c’est par ses couleurs froides qui complètent l’ambiance. Cette partie nous révéle une part de malsain dans les actions des personnages, avec également un peu de mélancolie. On notera en parallèle un jeu de miroir : puisque chaque angoisse, chaque dépression d’un des deux personnages principaux se répercutera sur l’autre.

D’autant plus intéressant, c’est que ces répercussions sont la partie centrale du film. Jeon Soo-il en fait vraiment la partie la plus importante. Ce qui permettra au film d’être plus abouti à ces moments ci. Grâce aux couleurs froides, à la lumière et le placement de ses acteurs, le cinéaste coréen pourra occulter la dimension morale du meurtre dans un microcosme social. Avec cela, il fera ce qu’il veut de sa caméra. Soit dans le gros plan dans les moments de tension, ou dans la longue distance avec les acteurs dans les moments de doute. Il ne perd pas non plus sa sensorialité, puisque les échelles choisies lui permettront de toucher la fusion entre les personnages.

Enfin, le fond n’a pas de réel rythme. Même si la fonction transparente en chapitres est sympathique dans le traitement visuel, le creux se ressent dans la narration. Ces chapitres créent des coupures qui refont tomber le rythme. Le film peut vite s’essoufler et perdre de son impact émotionnel, pour finalement se réduite à la sensorialité. Tout ceci est provoqué dans la dernière partie du film. En quête de rédemption, le prêtre se rend au Pérou pour se confesser à un ami prêtre. Mais le voyage en devient trop métaphorique, et trop brouillon. On sent que Jeon Soo-il a tout donné dans la deuxième partie, et cette dernière partie mise sur l’errance. Une errance qui ne trouvera son point culminant que dans la dernière minute.

3 / 5
À lire aussi ⬇️

Devenez contributeurs/rices. 👊

Rejoignez un magazine libre et respecté. Depuis 2004, Onlike recense pas moins de 46 contributeurs indépendants dans ses colonnes,

en savoir plus
NEXT ⬇️ show must go on