L’effet aquatique

Grand plaisir de retrouver la bande à Anspach, avec une grande pensée pour cette dernière, que l’on regrette déjà. L’EFFET AQUATIQUE pourrait utiliser trois termes anglais distincts mais à une consonance commune. Remake, pour les personnages. Reboot, pour Montreuil. Rebirth, pour l’Islande. Tout est histoire de redémarrage, de repartir de zéro en changeant quelques éléments : ceci par rapport à tous les films précédents de la cinéaste. Ce long-métrage pourrait se voir comme un sequel de QUEEN OF MONTREUIL, et un prolongement de LULU FEMME NUE. Dans les deux cas, ces trois films forment la trilogie « feel good » de la cinéaste. Des films qui font du bien, qui réchauffent le cœur et apaisent l’esprit, une grosse vague de fraîcheur et de bonheur sincère.

S’il y a autant de joie, c’est parce que L’EFFET AQUATIQUE est tel un câlin que Solveig Anspach fait au spectateur et à ses comédiens, via le cinéma, via la caméra. Comme cette accolade, c’est quelque chose que l’on chérit le temps d’un instant, un effet éphémère s’empare des scènes du film. Le temps d’un regard, le temps d’une leçon de natation, le temps d’un baiser isolé, le temps d’un dialogue improvisé lors d’une conférence, etc. Le romantisme de ce film est constitué de tous ces petits moments qui, en s’ajoutant les uns aux autres, produit une sensibilité profonde. Pas loin de l’amour fragile, comme les abysses émotives d’une rencontre indécise et d’une passion sans contrôle. Le long-métrage se démarque des deux précédents feel-good movie par cette quête d’une atlantide : comme s’il suffisait de plonger totalement dans l’amour pour le vivre avec bonheur.

C’est là que le film devient humble et solaire : la cinéaste laisse faire ses personnages, la caméra se fait petite par rapport à cet amour / cette passion. Une manière de montrer un grand respect pour les personnages, de savourer leur histoire à la surface si banale mais au fond si touchante. Parce qu’au Cinéma, il n’y a rien de plus beau que la romance : elle s’y présente comme un voyage intemporel et qui n’a pas besoin d’un lieu unique pour s’alimenter. Que ce soit l’atlantide d’une piscine municipale, des douches, un pays lointain, etc…, il y a ce point commun de la quête. SUNRISE du maître Murnau (1927) était déjà une aventure dans le sentiment amoureux. Il n’est pas question nécessairement de la poursuite de l’autre, mais de connaître toutes les émotions afin d’y parvenir. C’est moins une aventure spatio-temporelle qu’une aventure intérieure. C’est bien là la complexité et la force de L’EFFET AQUATIQUE : réussir à explorer l’intérieur des personnages pour en déterminer les attitudes.

Ainsi, des personnages secondaires comme ceux de Esteban (quand le verra t-on plus longtemps dans un film ?), de Philippe Rebbot et surtout de Didda Jonsdottir : ils sont tous intégrés dans un souffle de loufoquerie, un sentiment de presque-surréalisme dans la quête de cet amour passionné. Tout ce qui gravite autour de cette romance est tellement drôle, que le film en devient un conte généreux et serein. Une sorte de mélange entre la poésie et le loufoque, où le naturalisme de la romance se marie au surréalisme des personnalités des personnages. C’est la grande singularité du film : il n’y a pas de surplus, tout se fait assez discret pour être le plus délicat possible. Une belle fantaisie pleine d’énergie.

Le plus beau, c’est de finir avec plan magnifique en Islande. Merci pour tout Solveig Anspach.

L’EFFET AQUATIQUE de Solveig Anspach (France, 2016). Avec Florence Loiret-Caille, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir, Philippe Rebbot, Esteban, Olivia Côte, Nina Meurisse, Ingvar Eggert Sigurdsson, Johannes Haukur Johannesson, Frosti Runolfsson, Solène Rigot.

4 / 5