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Écrit et Réalisé par Louis-Julien Petit. Avec Corinne Masiero, Sarah Suco, Pascal Demolon, Olivier Barthelemy, M’Barek Belbouk, Zabou Breitman. France. 105 minutes. Sortie française le 28 Janvier 2015. 

J’accuse… tous les cinéphiles qui comparent ce film à du Ken Loach. Je condamne leur argument principal basé sur la comédie sociale. Ou même leur argument secondaire, centré sur l’approche réaliste adoptée. Ces choix se trouvent aussi dans d’autres films français, sans pour autant que qui que soit les ait comparé à du Ken Loach. Le cinéaste britannique est profondément caractérisé par des touches de rocambolesque, un parti pris évident et adopte la surprise pour ses acteurs. Si on ressort la plupart des films dans lesquels joue Corinne Masiero, on note l’aspect social qui en ressort. On peut penser immédiatement à LOUISE WIMMER, ou LULU FEMME NUE, voire VANDAL et LES REINES DU RING, puis pourquoi pas DE ROUILLE ET D’OS. Les comparaisons deviennent tellement faciles de nos jours. Et si on prenait un film pour ce qu’il est ?

Sweet Discount
Ce qu’il est, n’est plus ni moins qu’une douce comédie sociale. En effet, le réalisateur prend le soin que son film ne crie jamais. Une volonté qui permet au film de ne pas trop pointer du doigt, ou de jeter des tomates à ce qui est dénoncé. Louis-Julien Petit ne veut pas d’un film totalement sombre ni totalement comique, et ne distingue pas de « bons » personnages et de « mauvais » personnages. Le film déroule son intrigue avec une certaine retenue dans le point de vue, pour placer sa délicatesse dans le geste. Les attitudes des acteurs sont (le plus souvent) des actes tendres, et dans des situations qui prônent la chaleur humaine. A partir de là, Louis-Julien Petit montre que l’optimisme est toujours possible, même si le Cinéma ne changera pas grand chose (on en a la preuve depuis bien longtemps).

Parce qu’au fond, ce film est rempli de nostalgie. Il suffit de se souvenir des scènes de célébrations avec les fumigènes, ou quand l’amour flotte au-dessus de certains personnages, ou quand un logement s’offre à une mère et son enfant, … Corinne Masiero se pencher à l’arrière et taper des pieds en riant, M’Barek Belbouk courir en hurlant de bonheur dans la cour, ou Sarah Suco esquisser un sourire figé quand elle voit son fils heureux, … Tant d’idées de mise en scène paraissant simples, mais au fond révélatrices d’un état d’esprit. Sur tout le film plane cette nostalgie, qui vient même combler quelques situations tragiques (ponctuées par des touches d’humour). Sauf les deux scènes d’arrestations sont accentuées telles des scènes de polar survolé.

Que la force soit avec eux
L’avantage avec cette nostalgie, c’est que le film a un scénario très construit autour de l’unité. Si bien que l’intrigue nous est livrée avec plusieurs points de vue. Le film ne portera jamais de bon ou mauvais côté sur ses personnages, et ne les distinguera jamais autrement que comme des humains. En cela, on a le droit au point de vue de chacun des personnages. Au fil de ce rythme, le film propose plusieurs tons sur l’ambiance présentée. Avec de la douceur, le réalisateur scrute une à une les personnalités de ses personnages, pour justifier les actions sociales effectuées. Si bien que, le film peut basculer à tout instant, justement à cause des différents points de vue.

Le problème de ces points de vue, c’est qu’ils ne justifient pas le développement des personnages. Ils nous sont présentés par petites touches trop éloignées. Et le temps que chaque personnage soit exposé entièrement, au milieu de l’intrigue sociale, on arrive vite vers la fin du film. Si le film a bien un grand défaut, c’est de préférer le factuel à ses personnages. A plusieurs reprises, les protagonistes ne servent que de prétextes, pour mieux se focaliser sur les événements. A chaque scène dans l’épicerie solidaire, le film prend parti de la crise sociale. La caméra se concentre sur les produits pas chers, sur les coupons, sur les divers choix en rayons, etc… mais jamais sur le ‘comment cette épicerie solidaire forge les personnalités des personnages, ou même nous les décrit’.

Les seuls moments où les personnages sont dans leur meilleur élément, c’est quand la mise en scène leur permet d’apparaitre ensemble à l’écran. Avec son découpage, Louis-Julien Petit favorise l’union des personnages dans ses plans. Avec son montage, le réalisateur joue sans cesse sur la domination des espaces par ses personnages. Les plans et le montage fondent ensemble une symétrie intéressante sur l’influence des personnages. Leurs corps sont fondus dans l’hystérie d’une foule, ou alors sont isolés dans la détresse d’une idée dramatique. Même si les plans se classent parmi un classicisme, ce n’est pas pour autant que l’humanisme traversant le film se fond dans le réalisme pur. Le film aime notamment montrer ses espaces comme la source des unions.

Des hommes et des lieux
Il serait facile de considérer les espaces filmés par le réalisateur. Dans un premier temps, le magasin est filmé comme le piège d’une société en proie au désir, à la compétitivité (des prix, de la qualité des produits), au plaisir du choix, etc… Tout le problème de la société de consommation (surtout alimentaire) est abordée à travers ce magasin, dans l’optique d’y explorer le dysfonctionnement social (comme avec une certaine hierarchie). Dans un second temps, l’épicerie solidaire est filmée comme une bouée de sauvetage. C’est quelque chose de temporaire, quand le navire social s’apprête à couler au moment où il étouffe ses personnages. Ne pouvant pas durer dans le temps à cause de cette hierarchie, ce bonheur furtif survient comme des échappées de solidarité. Alors que le magasin devient un lieu qui enferme les corps et les esprits, l’épicerie solidaire devient un lieu qui offre son paradoxe.

4 / 5
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