Churchill

Il est marrant de voir que CHURCHILL, le film britannique de Jonathan Teplitzky, ne soit pas soutenu par le British Film Institute (alors que son sujet porterait à le croire). Cela veut tout dire de sa qualité. Il ne faut pas être gêné de rire devant la prestation de Brian Cox dans la peau de Winston Churchill, devenu un vieux grincheux plein de grimaces. L’obsession du célèbre Premier Ministre n’est que dans le fond du sujet, tout comme son autorité qui ne s’exprime que par quelques cris ici et là. Sinon, Jonathan Teplitzky préfère l’immobiliser quand il est mélancolique ou qu’il tente de s’imposer, puis le mettre en mouvement pour une fausse réflexion psychologique (voire métaphysique avec la plage). Le corps allongé qui ne bouge pas, l’eau pleine de sang, le chapeau qui s’envole, etc… ça suffit avec les faux symboles et les fausses bonnes idées.

CHURCHILL n’a pour lui que sa photographie et sa pédagogie. Le long-métrage n’a aucune identité propre, aucune âme stylistique : Jonathan Teplitzky ne prend aucun risque et s’efface sans cesse au profit de son sujet, qu’il filme comme un docu-drama. Chaque scène ressemble à l’ouverture de rideau d’un théâtre, comme si les personnages étaient placés dans de nouveaux espaces qui ne servent pas à grand chose. Le renouvellement du décors est une anecdote qui veut justifier une pluralité spatiale tant representée dans les biopic. Cependant, la comparaison avec le théâtre s’arrête ici, car au théâtre les dialogues sont (normalement) vécus par les comédiens. Ici, les lignes du scénario sont simplement récitées. Seul le fond compte, au final, car Jonathan Teplitzky est davantage préoccupé par la progression temporelle (au coeur de son sujet – notamment par l’incrustation des jours et des heures sur les plans même) que par l’approche esthétique qu’il lui apporte.

La photographie de David Higgs (Indian Summers, Outlander, Mad Dogs, Rock’n’rolla, etc) met en valeur la robustesse de Winston Churchill ; alimentée par la silhouette de Brian Cox, mais seulement en plans moyens et en contre-jour. Il arrive à créer la nuance de l’intime émotionnel (les scènes avec Miranda Richardson, le dialogue avec James Purefoy, l’élan de révolte verbale de Ella Purnell – notamment) avec la raison du leader d’une nation. Alors que son cinéaste a décidé de cadrer chaque ton de la même manière (il aime les ralentis, les travellings lents et les champ / contre-champ à foison), David Higgs plonge le film dans la complexité et l’austérité des coulisses d’une guerre. David Higgs veut éviter les sentiments en extirpant Brian Cox des mouvements qui l’environnent. Cependant, la caméra de Jonathan Teplitzky ne fait qu’appuyer ces bons sentiments.

Le grand défaut de CHURCHILL est de simplifier au maximum l’héritage du célèbre Premier Ministre, de diluer l’impact qu’il a eu dans le passé au profit d’un défi (où il serait seul contre tous) instantané, qui a ses limites dans le temps. Alors que dans le film même, Miranda Richardson mentionne la probable éternelle réputation de Winston Churchill. Le cinéaste n’agit que sur l’instant, surtout en usant à outrance de musiques pour être l’ascenseur émotionnel du film. Ainsi, Teplitzky retire l’idée très intéressante de la chute progressive du couple Churchill, pour se noyer dans la pédagogie positive, évincée de toute négation complexe possible.

En grande partie à cause du (presque) huis-clos qu’est le long-métrage. La grande majorité des scènes se déroulent en intérieur, dans des pièces pas très grandes (à l’exception d’une, pour même pas cinq minutes), qui s’érigent comme les tombeaux de Churchill. Comme si chaque pièce est un piège, des gouffres supplémentaires dans lesquels Winston Churchill s’enfonce pour ne devenir que l’ombre de lui-même. Fausse tempête individuelle, le protagoniste tourne en rond alors que la réflexion sur le temps qui passe est sous-exploitée. Comme si CHURCHILL était un long discours passivement mis en scène.

CHURCHILL de Jonathan Teplitzky.
Avec Brian Cox, Miranda Richardson, Richard Durden, John Slattery, Ella Purnell, Julian Wadham, James Purefoy, Danny Webb, Jonathan Aris, Steven Cree, Peter Ormond.
Royaume-Uni / 1h45 / 31 Mai 2017

2 / 5